L’intelligence artificielle (IA) est en plein boom. Ses usages, en particulier ceux de l’intelligence artificielle générative capable de créer du contenu sur simple demande, se multiplient. Mais elle consomme beaucoup d’énergie.
Les programmes d’intelligence artificielle doivent d’abord être entraînés avec un grand volume de données. Puis, à chaque requête, le programme mobilise ses connaissances et formule une réponse. Pour tout cela, il faut une grande puissance de calcul informatique.
Et cette capacité de l’ordinateur nécessite plus d’énergie. « Si nous transformions une recherche Google standard en une requête basée sur l’intelligence artificielle comme ChatGPT, illustre Alex de Vries, fondateur du site Digiconomist, il faudrait dix fois plus d’énergie pour l’activité de recherche de Google. Google aurait besoin d’autant d’énergie que l’Irlande. »
Plus que la consommation du Sénégal
Encore faut-il que cela soit possible. Derrière la « magie » de la création de contenu, il y a des cartes graphiques, des puces très performantes. Or, « le développement de l’IA est contraint par la puissance des puces actuelles et par la capacité de production de ces puces », encore limitée, explique Mohamed Makhlouf, professeur à l’ESSCA et spécialiste de l’intelligence artificielle. Et de prédire : « Cela restera le cas pour la prochaine décennie. »
Malgré tout, leur nombre est amené à se multiplier. Nvidia, qui propose les puces les plus puissantes et domine plus de 80% du marché des processeurs graphiques GPU (selon le cabinet Jon Peddie Research), en a vendu 100 000 en 2023. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime leur consommation d’électricité annuelle à 7,3TWh, soit davantage que la production d’électricité au Sénégal en 2021. Et l’AIE prévoit qu’en 2026, la demande du secteur sera multipliée par dix par rapport à 2023. Au total, la consommation cumulée de l’IA, des data centers classiques et des serveurs dédiés aux cryptomonnaies pourrait plus que doubler entre 2022 et 2026.
Certes, le secteur devrait gagner en efficacité énergétique. « Avec l’avancée de la technologie, à quantité de calcul égale, l’IA va devenir moins énergivore, souligne Mohamed Makhlouf. Néanmoins, l’utilisation de l’IA va se généraliser avec l’augmentation des capacités de calcul et des capacités de production des puces. Par conséquent, la consommation d’énergie sera beaucoup plus importante. »
Même Sam Altman a reconnu que les besoins n’étaient pas entièrement évalués. Le patron d’OpenAI – maison-mère de ChatGPT – assure qu’il faudra une « avancée » dans l’énergie pour développer l’IA dans le futur. Il évoque plusieurs pistes : le photovoltaïque avec des batteries, ou encore la fusion nucléaire. Une technologie qui n’en est qu’au stade de la recherche.
En attendant, aux États-Unis, selon Bloomberg, une compagnie d’électricité qui alimente la « Data Center Alley » en Virginie propose d’investir dans le gaz et n’exclut pas de retarder l’arrêt de centrale à gaz naturel et même d’une centrale à charbon, deux énergies fossiles émettrices de gaz à effet de serre.
Elle envisage aussi d’investir dans des énergies renouvelables. Mais, Alex de Vries considère que cela ne fait que contourner le problème : « L’approvisionnement en énergie est limité et la part de renouvelable l’est encore plus, détaille-t-il. On voit que beaucoup de centres de données essaient de s’alimenter en énergies renouvelables, en particulier ceux de la Big Tech. Mais si on commence à fournir les centres de données en énergie verte, ce qui est tout à fait possible, l’approvisionnement en renouvelables étant limité dans son ensemble, cela veut simplement dire que l’on va utiliser des énergies fossiles pour autre chose. »
Gérer la transition énergétique
L’IA est donc énergivore mais elle pourrait aussi être utile à la transition énergétique. Les réseaux électriques sont de plus en plus complexes et vont intégrer de plus en plus d’énergies renouvelables, moins prévisibles. Anticiper la production et la demande, essayer de les faire coïncider au mieux est un enjeu. Les logiciels capables d’apprendre seuls pourraient aider à gérer plus efficacement ces défis. Au total, l’AIE a déjà recensé une cinquantaine d’usages de l’IA dans les systèmes énergétiques. Restera à s’assurer que le surcroît d’énergie nécessaire ne viendra pas effacer les avantages procurés par le programme.
Source du contenu: www.rfi.fr