Alors que les responsables politiques sont arrivés à Cali, mardi, pour la dernière semaine de négociations de la COP16 biodiversité, dont l’objectif est de stopper la destruction du vivant, revenons sur ce que l’on appelle l’effet papillon.
Nous sommes sur le plateau de Laikipia au Kenya. Un sublime décor, constitué de plaines, de savanes et de forêts tropicales, qui accueille une vaste faune sauvage…. Lions, buffles, éléphants. Près de nous, des acacias siffleurs, une espèce d’arbres autour de laquelle s’est créé un équilibre harmonieux. Une fourmi locale a fait son nid au pied de l’acacia, devenant en échange le défenseur de cet arbre. Car l’acacia est une espèce prisée des éléphants et ses épines sont une bien maigre protection face aux herbivores. Mais c’était sans compter sur ces fameuses fourmis qui ont pris la défense de leur hôte, en repoussant les pachydermes grâce à leurs phéromones, une substance chimique émise par les animaux, et leurs piqures.
La fin d’une collaboration harmonieuse
Cette harmonie a été interrompue par l’arrivée d’une fourmi à grosse tête, introduite par l’activité humaine, qui a chassé les autres fourmis de l’acacia, rendant l’arbre à nouveau vulnérable aux éléphants. Avec l’arrivée de cette nouvelle fourmi, les dégâts sur les acacias ont été multipliés par sept, ce qui a provoqué une diminution du couvert forestier. Or ce couvert est essentiel dans la stratégie de chasse des lions. Grâce au feuillage des arbres, ils peuvent se dissimuler et créer un effet de surprise pour capturer leurs proies favorites, les zèbres. Privés de feuillage, les lions ont dû s’adapter et changer de cible. Ils se sont donc rabattus sur les buffles. Pour résumer, la disparition d’une fourmi a provoqué un changement de régime alimentaire du roi des animaux, le lion.
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L’effet papillon
L’effet papillon est une notion selon laquelle, le monde est profondément interconnecté, de sorte qu’un petit événement peut influencer un système beaucoup plus vaste. Ainsi, le battement d’ailes d’un papillon pourrait, hypothétiquement, provoquer un typhon. Mais revenons-en à nos fourmis… L’histoire que je viens de vous raconter est une étude très sérieuse, publié dans la revue Science en janvier dernier.
Quel est le lien entre l’effet papillon et la COP16 sur la biodiversité ?
Il y a peu de temps, dans cette chronique, nous parlions d’amnésie environnementale et nous évoquions la disparition des lions au Sénégal, qui a touché et ému de nombreux Sénégalais et défenseurs de l’environnement. Mais dans le même temps des milliers d’insectes disparaissent chaque année sans que cela nous émeuvent, alors qu’ils sont essentiels à la survie des écosystèmes. Évoquer l’effet papillon est donc un moyen de rappeler l’importance de préserver ce fragile équilibre et cette interconnexion du monde vivant.
L’approche One Health
One Health, une seule santé en français. Selon cette approche, pour préserver la santé humaine, il faut préserver la santé animale et environnementale. Grâce à cette notion, on comprend que défendre un insecte, une fourmi ou un lion, c’est finalement défendre notre humanité. Alors que les politiques réunis à Cali pour la COP16 peinent à mobiliser 20 milliards de dollars par an d’ici 2025, pour aider les pays en développement à préserver la biodiversité, une question reste en suspens : À combien estiment-ils nos vies ?
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