Questions d’environnement – Sécheresse au Maroc: faut-il revoir le modèle agricole?

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C’est la sixième année consécutive que le royaume manque de pluie. En janvier dernier, il a plu 43% de moins qu’au mois de janvier 2023. Et cette pénurie d’eau s’accompagne de températures au-dessus des normales : 31 degrés en janvier, 36 en février, en plein hiver. Résultat : dans de nombreuses zones agricoles du pays, les champs sont anormalement nus.

L’effet cumulatif de plusieurs années de sécheresse est catastrophique pour les plantes, pour les sols et pour le moral des agriculteurs marocains. Cette année, beaucoup d’agriculteurs familiaux, qui dépendent des pluies, ont tout simplement renoncé à semer, de peur de perdre toute leur mise.

Le manque d’eau est tel cette année que « les céréales sont quasiment perdues », explique Mohammed Taher Srairi, professeur à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II, à Rabat. « Cela a un impact sur les revenus des agriculteurs, sur la croissance économique et même sur la confiance qu’ont les Marocains dans la vie de tous les jours parce que l’agriculture demeure une activité économique fondamentale pour ce pays, souligne-t-il, sachant que l’agriculture occupe deux cinquièmes, 40% de la main d’œuvre active au Maroc. »

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L’agriculture d’irrigation tire aussi la langue, car les barrages ne sont remplis qu’à 23%. Et encore, c’est la moyenne nationale. Dans certaines régions, il reste moins de 5% d’eau dans les retenues, indique l’ingénieur agronome.

Avocats, agrumes, tomates, trop gourmands en eau

Les gros exploitants agricoles, qui puisent l’eau sous terre, sont, eux, moins affectés. Mais comme il pleut moins, ils pompent encore plus d’eau pour irriguer, aggravant la situation, explique Ali Hatimy, fondateur du site de vulgarisation sur le changement climatique au Maroc Nechfate. Cet ingénieur agronome marocain installé en France dénonce « une fuite en avant ». Pour lui, le pays doit sortir de son modèle agricole axé depuis 15 ans sur l’exportation de cultures gourmandes en eau.

« Le fait d’ériger comme stratégie des cultures comme les tomates, les agrumes, les avocats, les palmiers dattiers qui ont des besoins hydriques de l’équivalent de trois, quatre, cinq, dix fois les précipitations qu’il y a sur une région donnée, cela devient complètement absurde. L’irrigation ne doit pas créer un climat artificiel, elle doit venir en complément d’un climat déjà favorable », estime-t-il.

Ali Hatimy considère nécessaire de repenser l’agriculture marocaine « pour qu’elle soit plus cohérente avec les contraintes de notre territoire ». Et c’est possible, assure-t-il : « on peut regarder le caroubier, l’olivier dans un certain nombre de régions, on peut regarder des céréales économes en eau comme le sorgho qui était historiquement très cultivé au Maroc notamment dans les zones oasiennes, le quinoa qui commence à être cultivé dans certaines zones. »

Depuis Rabat, Mohammed Taher Srairi résume : « l’agriculture exportatrice et très irriguée a sans doute permis de créer de la richesse, mais aujourd’hui, nous sommes rattrapés par le changement climatique et la nature nous envoie des signaux clairs. »

Source du contenu: www.rfi.fr

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