Questions d’environnement – Ukraine: plusieurs mois après la rupture du barrage de Kakhovka, quel impact environnemental?

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En juin 2023, la destruction – dont Russes et Ukrainiens s’accusent mutuellement – du barrage hydroélectrique de Kakhovka, dans le sud de l’Ukraine, provoquait des inondations majeures dans la région de Kherson et une « catastrophe environnementale » d’après le gouvernement ukrainien. Alors que ce samedi 24 février, cela fera deux ans que la guerre a éclaté en Ukraine, quelle est la situation autour de l’ancien barrage ?

Le 6 juin 2023, la destruction du barrage de Kakhovka, sur le fleuve Dniepr, dans le sud de l’Ukraine, a libéré les 18 milliards de tonnes d’eau retenues en amont dans un immense réservoir. 620 km2 de terre ont été inondées d’après l’Unesco. Des maisons, des usines, des stations-service, des champs agricoles… L’eau s’est alors chargée de produits chimiques, de pétrole, de pesticides et de matière animale en décomposition. Car de nombreux poissons, mollusques, batraciens, mais aussi du bétail sont morts dans la catastrophe. Tout cela est descendu vers la mer Noire.

Depuis Kiev, Natalia Gozak, agent de sauvetage au sein du Fonds international pour la protection des animaux (IFAW) et ancienne directrice de l’ONG environnementale ukrainienne Ecoaction, explique que les scientifiques ont pu suivre, grâce aux images satellites, l’importante nappe de pollution dans la mer Noire plusieurs semaines après. Avec des conséquences néfastes pour la vie marine et pour les nombreuses zones humides et réserves naturelles situées entre le barrage et l’embouchure du fleuve.

Zone de combats et retour de la nature

La zone de l’ancien réservoir à proprement parler est très difficile d’accès en raison des combats tout proches. Compliqué donc pour les scientifiques d’aller y prélever des échantillons pour évaluer les dégâts. Anna Kuzmenko, chercheuse à l’Académie ukrainienne des sciences et fondatrice du Groupe ukrainien de conservation de la nature, s’y est rendu il y a quelques mois : « Durant notre dernière visite, notre groupe a été repéré par des drones russes et nous avons été visés par des tirs de mortier. Cela a explosé à 150 mètres de notre voiture. C’est très dangereux. » Depuis, la biologiste suit la situation via des contacts sur place.

Sur place, l’eau s’est retirée des villes et villages alentours. Dans l’ancien méga-réservoir, le fleuve Dniepr coule désormais sur une bande plus étroite et autour, sur le sol boueux, la végétation locale a repris ses droits. Les jeunes saules et peupliers, des espèces d’arbres qui ont poussé ici pendant des siècles, rappellent aux Ukrainiens la vaste forêt qu’il y avait là, bien avant la construction du barrage et de la retenue d’eau.

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À en croire les témoignages que Natalia Gozak reçoit de personnes qui vivent dans la région de l’ancien barrage, les animaux sauvages aussi réinvestissent le territoire. « Comme les humains accèdent beaucoup moins à la zone, que les forêts ne sont plus coupées par exemple, notamment parce qu’il y a des mines, on voit apparaître beaucoup plus souvent des chevreuils, des cerfs, des cochons sauvages ou encore des renards », relate Natalia Gozak, de l’IFAW.

Sols et lacs pollués

Lors de sa dernière visite près de l’ancien réservoir asséché, la biologiste Anna Kuzmenko a prélevé des échantillons du sol qu’elle a faits parvenir en Allemagne pour évaluer la présence de métaux lourds et de produits chimiques. Elle attend les résultats pour connaître l’ampleur de la pollution.

Yevhen Korzhov, hydrologue à Kherson dont la maison a été inondée, vit aujourd’hui à Odessa et s’inquiète de la situation des lacs et des cours d’eau de la région : « Les analyses de l’eau dans la région montrent de hautes concentrations en substances organiques et biogéniques et à certaines occasions les seuils en métaux lourds sont dépassés. Il est d’ailleurs toujours interdit de pêcher quoique ce soit dans le fleuve Dniepr dans la région de Kherson. »

Les lacs sont pollués et l’eau y est désormais stagnante, ajoute le scientifique : « Beaucoup des organismes qui y vivaient ont été emportés par la vague d’inondation. Il ne subsiste que quelques mollusques et des espèces végétales bien enracinées. » Même chose dans le cours inférieur du fleuve Dniepr, les esturgeons ont complètement disparu par exemple.

En novembre dernier, l’Unesco a estimé qu’il faudra 59,5 millions de dollars pour « évaluer complètement l’impact environnemental de la catastrophe et pour former les professionnels à la régénération de ces habitats naturels ». L’Ukraine, elle, a ouvert une enquête pour « écocide » qu’elle espère porter devant la Cour pénale internationale.

Source du contenu: www.rfi.fr

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