Reportage France – À Rosny-sous-Bois, des écoles éco-responsables sortent de terre

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Le Programme des Nations unies pour l’environnement et le gouvernement français organisent à partir de ce jeudi 7 mars le premier Forum mondial bâtiments et climat. À Rosny-sous-Bois, une ville de près de 50 000 habitants à l’est de Paris, la municipalité s’est dotée il y a 12 ans de sa propre entité de recherche et d’innovation pour mettre en place une stratégie d’adaptation au changement climatique sur son territoire.

En ce matin pluvieux, des ouvriers de chantier empilent des ballots de pailles entre des poteaux en bois. Ici, à Rosny-sous-Bois, une nouvelle école maternelle sort de terre. « Cette construction se fait essentiellement à partir de matériaux biosourcés », explique Cassiane Mariotti, l’architecte de ce bâtiment. « Nous utilisons de la paille pour les murs porteurs qui sera ensuite couverte à l’intérieur du bâtiment de terre et à l’extérieur de terre mélangée à de la chaux, du bois pour la charpente, des poteaux, des poutres, la toiture et les planchers. Et on a aussi de la terre crue sous forme de briques. »

Afin de limiter au strict minimum le recours aux matériaux émetteurs de gaz à effet de serre, comme le béton par exemple, et « pour adapter la ville d’aujourd’hui au défi climatique qui nous attend », la Direction recherche et innovation (DRI) de Rosny-sous-Bois « s’inspire des techniques d’autres pays et d’autres époques », souligne Charlotte Picard qui en est la directrice adjointe. « La paille porteuse, par exemple, existait dès la fin du XIXe siècle aux États-Unis. »

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La paille : matériau isolant et ressource abondante

Dans les nouvelles constructions éco-responsables de Rosny-sous-Bois, la star, c’est en effet elle : la paille. Les bottes, larges de 50 centimètres et utilisées comme murs porteurs, constituent un excellent isolant contre le bruit, le froid, mais aussi contre la chaleur, couplées à un système de ventilation naturelle. Et les étés ne font plus peur à Mickael Jablonski. « Durant les périodes de canicule, c’est carrément génial ! », s’enthousiasme ce directeur d’un centre de loisirs éco-conçu de la ville qui accueille les enfants après la classe et pendant les vacances. « À 17 heures, en plein été, les parents viennent chercher leurs enfants… et ils ne veulent plus repartir ! Rien que de rentrer dans le hall de ce bâtiment, on sent tout de suite une espèce de fraîcheur alors qu’il fait 35 degrés dehors. Sur la journée des enfants, sur leur humeur et celle des adultes, ça joue beaucoup. »

L’utilisation de la paille pour les murs porteurs permet également d’utiliser moins de bois, une ressource « qui met cent ans avant de se régénérer », rappelle l’architecte Cassiane Mariotti. « Quand on plante un arbre, il faut attendre au moins 100 ans avant de pouvoir récupérer le bois. » Et puis, « en Île-de-France, nous avons de la chance qu’il reste encore des surfaces agricoles. Cela nous permet de nous fournir en paille bio dans un rayon maximal de 100 kilomètres autour de Rosny », renchérit Charlotte Picard.





Une activité en pleine expansion

Mais pour que la paille, qui arrive des champs, puisse être utilisée dans le bâtiment, elle doit être comprimée d’une façon spécifique et ne pas dépasser certaines dimensions. Jean Poisson a donc dû investir. Il a acheté quatre machines d’une valeur de 300 000 euros chacune. « Si on veut être à la pointe de la technologie, il faut du matériel extrêmement sophistiqué qui demande une grande rigueur », raconte cet agriculteur, qui est à la tête de la société Paille Service en Seine-et-Marne.

« Notre point fort, c’est que nous sommes à 50 km de Paris et que nous pouvons, grâce à nos terres, produire des choses qui restent en local. Écologiquement, c’est ce qu’il y a de mieux », fait valoir le chef d’entreprise et neuvième génération d’une famille d’agriculteurs. 3 000 hectares de son exploitation sont dédiés à la récolte de la paille issue du blé ou de l’orge. Et si la construction de bâtiment ne représente pour l’instant que 10% de son chiffre d’affaires de la paille sur l’année, son activité est en pleine expansion. « Il y a huit ans, nous avons construit une seule maison avec de l’isolation en paille. L’année dernière, nous avons construit deux grands bâtiments publics grâce à cette technique. Faire de l’éco-construction avec de la paille peut donner une valeur ajoutée à cette belle matière. Mais il y a encore trop de champs de blé qui sont inutilisés pour produire de la paille. Dans les années à venir, nous devons nous améliorer sur ce point. Et nous le ferons. »

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La rénovation, « grand défi du XXIe siècle »

À Rosny-sous-Bois, les architectes de la Direction recherche et innovation savent qu’ils ne sont qu’au début de l’adaptation de leur ville au changement climatique. Après la construction de trois écoles, de deux centres de loisirs et de deux chantiers qui sont actuellement encore en cours, la directrice adjointe pense aujourd’hui avant tout aux bâtiments déjà existants. « Il y a beaucoup de bâtiments anciens à isoler. Le grand défi du XXIe siècle sera donc la rénovation », estime Charlotte Picard. « Mais ce que nous avons réussi à démontrer ici, c’est que les solutions d’adaptation existent. Et nous essayons d’impliquer les citoyens, en organisant par exemple des chantiers participatifs pour que chacun puisse comprendre les nouvelles techniques de construction, les nouvelles façons d’habiter notre ville. »

Il reste tout de même un frein à l’éco-construction, et non le moindre ; il manque encore de la main-d’œuvre qualifiée. « En Île-de-France, il n’y a pas encore beaucoup d’entreprises qui savent mettre en œuvre la paille, la terre et le bois. Quand nous faisons des appels d’offres, il n’y a souvent qu’une ou deux entreprises qui répondent. Ce qui ne nous permet pas de faire jouer la concurrence », regrette Cassiane Mariotti, qui espère une accélération des formations et des campagnes de recrutement dans les métiers de la transition écologique.

Source du contenu: www.rfi.fr

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