La démocratie au Pakistan a ses propres lois : les perdants sont les vainqueurs. Battus par les candidats d’Imran Khan dans les urnes le 8 février, les clans Sharif et Bhutto s’apprêtent à revenir au pouvoir. Ils ont conclu, mardi 13 février, un accord, ainsi qu’avec cinq partis, qui devrait leur assurer une majorité.
Cette alliance comporte une énorme surprise : le futur chef du gouvernement ne sera pas Nawaz Sharif, contrairement au scénario élaboré par les militaires. Déjà trois fois aux commandes, l’ancien premier ministre, de retour au pays après cinq années d’exil à Londres, et qui a mené la campagne de son parti, la Ligue musulmane du Pakistan (Pakistan Muslim League (Nawaz), PML-N), a préféré laisser son frère, Shehbaz, assumer cette tâche. Surnommé le « Lion du Pendjab », Nawaz Sharif a perdu de sa pugnacité. Il sort affaibli de la campagne, arrivé deuxième, derrière Imran Khan, malgré la disproportion des moyens en sa faveur. Sans doute aussi a-t-il mesuré le risque de prendre les rênes d’un pays au bord du gouffre. Il gouvernera dans l’ombre.
Son cadet, 72 ans, pâle doublure, a déjà occupé le siège de premier ministre d’avril 2022 à août 2023, après avoir éjecté Imran Khan du pouvoir. Durant un an et demi, il s’est rendu régulièrement à Londres pour consulter son grand frère et suivre ses conseils, n’évitant pas une dégradation de l’économie, marquée par une très forte poussée de l’inflation. Il a démissionné trois jours avant la fin de la mandature, laissant un gouvernement intérimaire gérer les affaires courantes pendant plus de six mois, jusqu’aux élections du 8 février.
Trois fois chef du gouvernement du Pendjab, le fief des Sharif, il a fait fortune dans les affaires, prenant la suite du père, Muhammad Sharif, issu d’une famille pendjabie-cachemirie, fondateur du groupe Ittefaq, un conglomérat industriel ayant des intérêts dans le sucre, l’acier et le textile.
Forts soupçons de truquage
Les Pakistanais, qui ont massivement voté pour le changement en plaçant en tête les candidats d’Imran Khan, pourtant contraints à se présenter comme indépendants, se retrouvent donc avec les mêmes protagonistes qu’avant le scrutin, ceux-là mêmes qui s’étaient unis pour chasser leur héros du pouvoir en 2022, en lui opposant un vote de défiance au Parlement.
Le parti d’Imran Khan, le Pakistan Tehrik-e-Insaf (PTI), vainqueur dans les urnes en ayant emporté 93 des sièges en jeu sur 266, a refusé leurs offres, fidèle à la bataille qu’il a engagée en entrant en politique, contre ces deux dynasties qui se partagent le pouvoir depuis des décennies.
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Source du contenu: www.lemonde.fr