Au Sénégal, le crépuscule de Macky Sall

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Ministre, premier ministre, puis président du Sénégal durant deux mandats… En plus de vingt années à occuper les plus hautes fonctions politiques de son pays, Macky Sall a acquis un sens politique hors du commun, réussissant d’abord à se hisser peu à peu au sommet de l’Etat, puis à mettre hors de nuire tous ceux qui auraient pu l’en déloger. L’aura de celui qui, encore récemment, allait négocier au nom de l’Afrique avec Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky, allait bien au-delà des frontières de son pays, tout comme sa réputation de très grand tacticien.

« Jusqu’ici, Macky Sall a toujours eu un temps d’avance », estime un ministre ouest-africain qui l’a côtoyé à de nombreuses reprises. Mais alors qu’il s’apprêtait à quitter le pouvoir après l’élection présidentielle qui devait se tenir le 25 février, il semble avoir tout à coup perdu la main. Et plongé son pays dans une crise politique aussi grave qu’inattendue.

Le 3 février, à quarante-huit heures de l’ouverture de la campagne présidentielle, il est apparu sur les écrans télévisés à l’heure du déjeuner. « J’ai abrogé le décret de convocation du corps électoral », annonce-t-il, la mine sombre. Une décision inédite dans l’histoire du pays mais que les juges du Conseil constitutionnel viennent de contrarier. Les magistrats l’imposent : Macky Sall devra passer la main le 2 avril, au terme de son second mandat. La loi fondamentale ne l’autorise pas à rester au pouvoir, même si l’élection présidentielle est repoussée à une date encore incertaine. Depuis, le chef de l’Etat sonde, écoute, élabore une stratégie afin de s’assurer « une sortie par la grande porte » – l’obsession de ses conseillers.

Dans son discours du 3 février, il a expliqué son choix par la nécessité de faire la lumière sur les accusations de corruption lancées par une formation d’opposition, le Parti démocratique sénégalais (PDS), à l’encontre de deux juges du Conseil constitutionnel. Mais ces justifications n’ont pas convaincu. Celui que ses détracteurs décrivent comme un hyperprésident « mackyavélique » est soupçonné d’avoir interrompu le processus électoral par crainte de voir son premier ministre et successeur désigné, Amadou Ba, échouer dans les urnes.

Une défaite qui risquerait de profiter au camp de l’opposant honni, Ousmane Sonko. Incarcéré et exclu des listes électorales, celui-ci ne peut pas concourir à la présidentielle, mais son mouvement a réussi à présenter un candidat, Bassirou Diomaye Faye, lui aussi derrière les barreaux mais crédible aux yeux de ses partisans. Pour expliquer la décision du chef de l’Etat, certains observateurs pointent l’influence écrasante de l’aile dure de son parti, qui aurait voulu le voir briguer un troisième mandat. « Il est otage de son entourage, juge un visiteur du soir. Certains proches se sont enrichis illégalement sous sa présidence et craignent d’être poursuivis en cas de défaite. »

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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