Au Sénégal, l’opposition front contre front

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Cinq jours après que le Conseil constitutionnel a invalidé le report de l’élection présidentielle au Sénégal et demandé aux autorités de fixer une nouvelle date « dans les meilleurs délais », deux grands blocs se dessinent au sein de l’opposition. D’un côté, ceux qui plaident pour la reprise du processus électoral là où il a été arrêté le 3 février. De l’autre, ceux qui prônent une remise à zéro des compteurs.

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Seize des vingt candidats à la présidentielle dont les dossiers avaient été retenus par le Conseil constitutionnel avant la crise se sont ainsi regroupés au sein du Front des candidats du 25 février (FC25, en référence à la date initiale du scrutin) pour demander que le vote soit organisé courant mars afin qu’une passation de pouvoir puisse se tenir entre Macky Sall et son successeur le 2 avril, au terme du mandat du président sortant. Dans ce collectif figurent notamment Khalifa Sall, l’ancien maire de Dakar, et Bassirou Diomaye Faye, le candidat de l’ex-Pastef, le mouvement de l’opposant incarcéré Ousmane Sonko, dissous en juillet.

S’ils martèlent que Macky Sall doit quitter le pouvoir, quoi qu’il arrive, le 2 avril, les candidats ne sont pas encore tombés d’accord sur un aménagement précis du calendrier électoral. Plusieurs dates de scrutin circulent : le 3, le 10 ou le 17 mars. « Certains veulent s’assurer d’une campagne assez longue pour se faire connaître, d’autres sont déjà sur le terrain et veulent aller au scrutin au plus vite », constate Elimane Kane, membre de la plateforme de la société civile Aar Sunu Election (« protéger notre élection », en wolof), qui a rencontré une partie des candidats lundi 19 février.

Les réunions se succèdent à Dakar pour essayer de trouver une position commune. Et décider si les candidats doivent participer aux consultations annoncées par la présidence vendredi dernier de façon individuelle ou collective. « C’est difficile de discuter entre concurrents venant de divers horizons alors que le temps presse », témoigne le candidat Mamadou Lamine Diallo, qui a rencontré Macky Sall jeudi, quelques heures avant la décision du Conseil constitutionnel.

« Contacts informels »

D’autres audiences ont eu lieu dans la plus grande discrétion au palais, selon un visiteur du soir, tandis que des prisonniers en détention provisoires continuent d’être libérés, après une première vague d’élargissement en fin de semaine dernière. D’après le décompte effectué mardi 20 février par le collectif des détenus, un peu plus de 310 personnes, pour la plupart arrêtées lors des manifestations de mars 2021 et juin 2023, ont été placés en liberté provisoire à l’initiative du procureur de la République. Des élargissements intervenus après une directive du chef de l’Etat adressée à son gouvernement « pour pacifier l’espace public »

« Macky Sall dissimule soigneusement dans quel sens il est en train de travailler », glisse le défenseur des droits humains Alioune Tine, qui a joué ces dernières semaines le rôle d’émissaire entre pouvoir et opposition après s’être entretenu avec le chef de l’Etat à plusieurs reprises : « Il doit d’abord rencontrer les siens à l’intérieur de son parti, de sa coalition. Et puis il doit être dans des discussions avec les institutions. »

Des prises de contact ont aussi commencé à être établies du côté des candidats. « J’ai été approché pour savoir si nous voulions reprendre le processus électoral là il s’était arrêté, ou tout recommencer », assure Mame Boye Diao, ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, limogé par Macky Sall quand il a annoncé sa candidature, en septembre 2023 : « Nous sommes prêts à engager des concertations, mais nous restons intransigeants sur la passation de pouvoir, qui doit se faire le 2 avril. » Même son de cloche du côté d’Aliou Mamadou Dia, du Parti de l’unité et du rassemblement (PUR), qui parle de « contacts informels » pour savoir s’il est « prêt à répondre à une discussion ».

La gynécologue Rose Wardini a pour sa part annoncé se retirer de la course. Elle avait été convoquée par la police début février à la suite de révélations sur les réseaux sociaux sur sa double nationalité franco-sénégalaise supposée – selon la Constitution, les prétendants doivent être exclusivement sénégalais. Elle aussi réclame que l’élection ait lieu avant le 2 avril.

« Obsession du 2 avril »

Face au FC25, un autre mouvement de l’opposition s’est structuré sous la houlette du Parti démocratique sénégalais (PDS), dont le candidat, Karim Wade, a été écarté de la course à la présidence pour avoir renoncé trop tardivement à sa nationalité française. Le PDS avait dénoncé des cas de corruption au sein du Conseil constitutionnel pour « manipuler l’élection et éliminer des candidats ». Des accusations graves, invoquées par le président pour justifier le report du scrutin.

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Ce Front démocratique pour une élection inclusive (FDPEI), qui réunit exclusivement des candidats recalés par le Conseil constitutionnel (notamment lors du contrôle des parrainages), demande la reprise du processus électoral depuis le début, dans l’espoir de pouvoir participer au scrutin. Le député Mamadou Lamine Thiam a déclaré lundi que la coalition « Karim 2024 » souhaitait prendre part « au dialogue national annoncé par le président de la République » le 3 février et « exige que ce dialogue national se tienne sans délai ». Mais rien ne dit que cette initiative soit toujours d’actualité.

« Reprendre le processus à zéro dépend des négociations. Mais avant de se décider, il faut éclaircir la cause principale de cette crise : les accusations de corruption de certains membres du Conseil constitutionnel par l’actuel premier ministre Amadou Ba », explique Omar Sène, conseiller spécial du candidat Boune Abdallah Dionne. Ancien premier ministre de Macky Sall, hostile à un scrutin avant le 2 avril, ce dernier a tourné le dos au chef de l’Etat parce qu’il n’avait pas été choisi pour porter les couleurs de la majorité à l’élection présidentielle.

Egalement candidats, l’ancien chef de gouvernement Idrissa Seck et l’actuel premier ministre Amadou Ba sont restés, eux, silencieux. « Il faut laisser les acteurs politiques discuter sur le fond pour sortir de cette crise et de cette instabilité juridique et institutionnelle », estime Pape Mahawa Diouf, porte-parole de la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar qui dénonce une « obsession du 2 avril ».

Source du contenu: www.lemonde.fr

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