Trois ans après le coup d’Etat du 1er février 2021, les revers militaires essuyés par la junte birmane ont stupéfié les grands voisins de la Birmanie que sont la Chine, l’Inde et la Thaïlande. C’est à leurs frontières avec le Myanmar, le long de cette périphérie ethnique entrée en conflit armé après avoir agrégé des opposants venus de tout le pays, que se déroule aujourd’hui l’essentiel des combats, tandis que se multiplient sur leurs territoires les incursions de soldats birmans en déroute.
Ces Etats avaient choisi, sinon d’appuyer, de ne pas contrarier le général putschiste Min Aung Hlaing. Mais la rapidité avec laquelle l’armée birmane, la Tatmadaw, perd du terrain est en train de bouleverser ce statu quo. Ses soutiens, ambigus mais essentiels, s’effritent, sans que l’aide militaire et diplomatique que lui apporte la Russie paraisse pouvoir changer la donne.
Une alliance de guérillas ethniques a remporté une victoire hautement symbolique, le 5 janvier, en s’emparant de Laukkai, un bastion de la junte situé dans les confins de l’Etat Shan, aux portes de la Chine. Pékin, toujours soucieux de préserver la stabilité de sa frontière, a convaincu les belligérants de signer, le 11 janvier, un troisième cessez-le-feu. Mais rien n’indique que ce dernier aura plus de succès que les précédents. Et les rebelles se dirigent à présent vers l’intérieur des terres : ils ont pris position autour de la ville de Lashio et sur un axe menant à Taunggyi, la capitale du Shan.
Ironie de la situation, la Chine – jusqu’à récemment considérée comme un soutien de la junte – n’est pas étrangère au basculement de cet Etat et d’une portion du pays (35 villes) sous le contrôle de l’opposition armée. En février 2021, elle avait pris note du « remaniement de cabinet » survenu en Birmanie, prenant soin de ne pas dénoncer un coup d’Etat. Deux ans et demi plus tard, et alors que la guérilla menaçait déjà Laukkai, le ton a changé. Pékin ne s’est embarrassé d’aucune précaution en lançant des mandats d’arrêt, en novembre et en décembre 2023, contre des dirigeants de la région accusés de liens avec le crime organisé. Le message est alors sans équivoque : la patience chinoise a ses limites. Voilà des mois que la junte était sommée, en vain, d’éradiquer les centres d’arnaques en ligne qui prolifèrent le long de sa frontière, engraissent les mafias chinoises et ruinent la vie de milliers de leurs compatriotes en se livrant à l’escroquerie, aux enlèvements, aux agressions et aux meurtres.
Attitude laxiste face aux « gangs criminels »
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