Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, en février 2022, c’est la face silencieuse du front, loin des morts au combat, des tirs d’artillerie et de la boue des tranchées. La « guerre hybride » que mène la Russie contre l’Ukraine et ses alliés – à coups de cyberattaques, de manipulations informationnelles et d’infiltration d’agents chargés des opérations de déstabilisation – constitue un autre aspect de la guerre que mène Moscou contre Kiev et ses soutiens. Une guerre d’usure.
Ce type d’actions de la Russie, qui préexistaient avant février 2022, a pris un virage plus « débridé » et « décomplexé » contre les pays membres de l’OTAN, soutiens de Kiev, constatent tous ceux qui y sont confrontés au sein de l’appareil de défense français. « C’est rude pour les services et pour les armées car la parade n’est pas toujours simple », résume une source proche du dossier.
Le ministre des armées Sébastien Lecornu, a ainsi récemment fait état d’« une centaine » d’interactions agressives, dont 70 concernaient l’Europe. S’agissant de la France, a-t-il précisé le 22 février, sur RTL, « vous avez des tentatives de prises de contrôle de la part des Russes d’un certain nombre de nos patrouilles ; il y a un mois, un système de contrôle aérien russe a menacé d’abattre des avions français en mer Noire alors que nous étions dans une zone internationalement libre dans laquelle nous patrouillions. »
Le cyber est l’un des domaines où s’illustre le plus cette tension. Même s’il n’y a pas eu d’aggravation majeure des attaques de Moscou depuis le début de la guerre, « l’Ukraine est devenue un polygone de tir numérique », comme l’a résumé Guillaume Poupard, patron de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (Anssi), lors d’un entretien, paru en décembre 2023, dans la nouvelle revue Etudes françaises de renseignement et de cyber (Ed. PUF). Or, ces attaques, qui ont débuté avec l’annexion de la Crimée en 2014, constituent une vraie « nuisance au long cours », souligne-t-il.
En soutien à l’Ukraine, les alliés se sont réparti « les axes d’efforts » pour surveiller les tentatives de pénétration des réseaux numériques de Kiev, affirme une source sécuritaire française. Mais en réponse, Moscou a fait monter la pression.
« Cyber guérilla »
La France, comme d’autres pays, doit désormais affronter une véritable « cyber guérilla », comme la qualifient dans la même revue citée précédemment Cléo Collomb, maîtresse de conférences à l’université Paris-Saclay, et Nicolas Hernandez, président d’Aleph-Networks, société spécialisée dans le renseignement en source ouverte. Selon eux, le nombre « d’incidents » cyber dans le monde relié à la guerre en Ukraine, inférieur à 25 par mois entre janvier et juin 2022, a grimpé à 47 en juillet 2022, avant d’approcher le nombre de 200 à partir de février 2023.
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