« Dans le secteur aérien, la Russie ne pourra brader la sécurité sans passer pour une République bananière »

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« La Russie ? Même pas mal… » Voilà ce que Vladimir Poutine répond en substance, avec une inoxydable assurance, quand il évoque les effets des lourdes sanctions décrétées par les Occidentaux depuis le début de l’offensive contre l’Ukraine, en février 2022. « L’économie va bien » et les mesures de rétorsion contre son pays – le plus sanctionné au monde – ne l’ont pas mis à genoux, répète le président russe en agitant les chiffres de la croissance, avec + 3,6 % en 2023, selon l’agence nationale de statistiques Rosstat et + 2,6 % prévus en 2024 par le Fonds monétaire international. Qu’importe s’ils sont gonflés par les dépenses militaires et ne disent rien de l’état de l’industrie ni de la vie quotidienne des Russes.

Depuis deux ans, Moscou déploie un grand savoir-faire pour produire plus d’armements, écouler son pétrole, son gaz et son blé, se fournir en semi-conducteurs ou fabriquer des produits alimentaires. Le pouvoir a mobilisé les entreprises russes, pillé ou racheté à vil prix des sociétés occidentales, loué des « tankers fantômes », créé de nouveaux circuits d’approvisionnement. Le pays conserve le soutien de voisins aussi puissants que la Chine, l’Inde, la Turquie ou l’Iran tout en cultivant de solides relations avec les pétromonarchies du Golfe.

« Un peu inquiets »

L’économie de la débrouillardise, aussi inventive soit-elle, finit par atteindre ses limites. Elles apparaissent dans le secteur aérien, où la Russie ne pourra brader la sécurité sans passer pour une République bananière. Le risque est pourtant là. Sur quelque 1 000 aéronefs commerciaux immatriculés en Russie, près des deux tiers sont de fabrication étrangère ; et la moitié est sortie des chaînes d’Airbus et Boeing. Ainsi en avait décidé M. Poutine, au début des années 2000, pour remplacer Tupolev et Iliouchine de l’ère soviétique, tout en tentant de relancer l’aéronautique civile avec la création du holding public United Aircraft Corporation.

Mais Boeing, Airbus, Embraer ou ATR, comme les équipementiers Safran, Thalès ou Honeywell, ont rompu avec leurs clients russes, les privant de pièces détachées (pneus, trains d’atterrissage, freins…), de services de maintenance et de mise à jour des logiciels de navigation. Le trafic aérien n’a guère baissé pour autant depuis les sanctions et aucune catastrophe n’est imputable à l’embargo. Les avions d’Aeroflot, S7 Airlines, Ural Airways ou Rossiya couvrent toujours les onze fuseaux horaires du territoire, une présence vitale pour l’économie russe, ou volent souvent complets vers les pays qui ne sont pas « inamicaux ».

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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