Les autorités américaines ont annoncé, mercredi 4 septembre, une série de mesures, dont des poursuites pénales et des sanctions financières, pour répondre à des tentatives d’ingérence dans les élections aux Etats-Unis qu’elles imputent à la Russie.
Le ministre de la justice, Merrick Garland, a annoncé la publication de poursuites contre deux responsables du média russe RT. Ces deux personnes figurent par ailleurs sur une liste de dix personnes visées par des sanctions financières, publiée simultanément par le département du Trésor américain, dont six responsables de RT, parmi lesquels sa rédactrice en chef, Margarita Simonian. Deux ONG russes figurent aussi sur cette liste.
Le département d’Etat a, de son côté, prononcé des restrictions de visa contre la maison mère de RT ainsi que d’autres filiales de cette compagnie. Il a également offert une récompense pouvant aller jusqu’à 10 millions de dollars (9 millions d’euros) pour des informations sur l’ingérence dans les élections américaines.
« RT et ses employés, y compris les deux accusés, ont mis en œuvre une opération de près de 10 millions de dollars pour financer une entreprise basée dans le Tennessee chargée de publier et de propager des contenus jugés favorables au gouvernement russe », a expliqué M. Garland lors d’une conférence de presse.
« Doppelganger » pointé du doigt
Outre ces poursuites, « le ministère de la justice a saisi 32 noms de domaine Internet utilisés par le gouvernement russe et les acteurs parrainés par l’Etat russe pour se livrer à une campagne clandestine afin de s’ingérer dans les élections de notre pays et d’en influencer le résultat », a déclaré M. Garland.
Tous ces noms de domaine, listés dans un document judiciaire américain, appartiennent à l’opération baptisée « Doppelganger » et visant aussi bien les Etats-Unis que des pays européens, l’Ukraine et Israël depuis au moins 2022. Tenant son nom de nombreux faux sites usurpant l’identité de vrais médias, dont Le Monde, Doppelganger est reliée depuis deux ans à plusieurs sociétés russes, parmi lesquelles Social Design Agency, Structura et ANO Dialog, qui sont soupçonnées de travailler pour le compte des autorités russes.
Des documents internes à l’opération de désinformation auxquels les autorités américaines ont eu accès révèlent que des responsables de ces entreprises ont eu, entre 2022 et 2023, plusieurs rendez-vous en présence de représentants du Kremlin, afin d’élaborer une campagne d’influence en ligne visant à promouvoir les intérêts russes et affaiblir les narratifs occidentaux. Ces rendez-vous faisaient l’objet, selon la justice américaine, de notes prises par Ilya Gambashidze, fondateur de Social Design Agency et Structura.
« Nous devons tout d’abord discréditer les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’OTAN, et dans un deuxième temps nous devons mettre en avant la vérité sur la guerre en Ukraine », expliquent par exemple ces notes, citées dans un document judiciaire. Dans les éléments avancés par les autorités, on trouve également des factures émises par Social Design Agency pour la traduction de certains textes qui se retrouvaient publiés sur des sites de la galaxie Doppelganger. Certaines notes mentionnaient directement la France et l’Allemagne, où les responsables de l’opération souhaitaient publier, sur les réseaux sociaux, plus de 60 000 « commentaires » par mois.
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Une trentaine de noms de domaines, dont un usurpant l’identité du Monde depuis plus de deux ans, ont ainsi été saisis par les autorités et affichent désormais une notice du FBI, les enquêteurs fédéraux américains. Le site phare de la campagne, Recent Reliable News, a lui aussi fait l’objet d’une saisie, ainsi qu’un nom de domaine usurpant l’identité du Parisien. D’autres domaines utilisés par Doppelganger au cours des dernières années n’ont cependant pas été cités par les autorités, a constaté Le Monde. La campagne ne se contentait pas d’imiter les médias européens et américains, mais avait aussi créé de toutes pièces des faux sites d’information de piètre qualité : droit, astrologie, droits civiques, conspirationnisme ou encore art, tous les thèmes étaient exploités assez maladroitement par SDA et Structura.
Si ces saisies représentent un coup porté à cette opération de désinformation, les chercheurs et les entreprises qui observent ces opérations notent cependant depuis longtemps que celle-ci a la plupart du temps eu une portée mineure, parvenant difficilement à obtenir une audience organique.
« Opérations clandestines »
« Aujourd’hui, nous mettons au jour deux opérations illégales et clandestines d’influence russes visant la population américaine », a résumé le directeur de la police fédérale américaine (FBI), Christopher Wray. « Depuis midi aujourd’hui, nous avons saisi ces sites, les avons mis hors d’état de fonctionner, et montré clairement au monde ce qu’ils sont : des tentatives russes de s’ingérer dans nos élections et d’influencer notre société », a-t-il ajouté.
Le président russe, Vladimir Poutine, était « au courant » de l’ingérence de la Russie dans les élections américaines, a assuré mercredi un porte-parole de la Maison Blanche. « Il était au courant des activités de RT », a affirmé John Kirby lors d’un point presse.
Les Etats-Unis accusent la Russie de tenter de peser sur les résultats des élections américaines depuis l’élection présidentielle de 2016, remportée par le républicain Donald Trump, contre la démocrate Hillary Clinton.
En mai, la directrice du renseignement américain, Avril Haines, avait mis en garde contre le nombre croissant de puissances étrangères cherchant à influer sur l’élection présidentielle de novembre, assurant toutefois que le pays n’avait jamais été aussi prêt à déjouer ces tentatives d’ingérence. Parmi ces puissances, les plus importantes sont « la Russie, la Chine, et l’Iran », avait-elle énuméré, précisant que la « Russie continue de constituer la menace étrangère la plus active » pour les élections américaines.
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