En cavale depuis trente ans, une terroriste de la Fraction armée rouge arrêtée à Berlin

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Daniela Klette était recherchée depuis les années 1990 pour sa participation supposée à la RAF, un groupe d’extrême gauche qui a tué une trentaine de personnes.

Correspondant à Berlin,

Un nouveau pan du voile s’est entrouvert sur les années de plomb de l’ex Allemagne de l’Ouest avec l’arrestation, lundi soir, d’un des derniers membres de la Fraction armée rouge en cavale. Daniela Klette, 66 ans, qui avait fui dans la clandestinité après l’auto-dissolution de la RAF en 1998, a été arrêtée à Berlin, dans l’ancien quartier alternatif de Kreuzberg, en compagnie d’un homme dont l’identité n’a pas été encore dévoilée. Ses deux principaux acolytes de l’époque, Burkhard Garweg, 55 ans, et Ernst-Volker Staub, 69 ans, pourraient tomber dans la foulée, espèrent les enquêteurs, et clore ainsi la page d’une décennie de terrorisme d’extrême gauche qui a laissé 23 morts dans son sillage.

«Le fait qu’une terroriste doive maintenant répondre de ses actes devant un tribunal est un signe important et clair de l’État de droit», s’est félicité mardi, lors d’une conférence de presse, Kathrin Heike Wahlman, ministre de l’Intérieur de Basse-Saxe, le land qui co-instruit le dossier. Un coup de filet très médiatisé, rendu possible par quelques traces diffuses laissées par Daniela Klette durant ses dernières années de cavale.

Un avis de recherche lancé il y a 10 jours

Mardi soir, seul le portrait d’une brune trentenaire restait encore en circulation, datant de la fin des années 80. On y perçoit le visage d’une militante politique ultra radicale avant que cette dernière ne se transforme en figure quasi anonyme du grand banditisme, contraintes aux braquages et aux casses pour assurer sa subsistance. L’avis de recherche correspondant incluant ses deux complices avait été lancé il y a seulement dix jours moyennent une récompense de 150.000 euros portant sur au moins six délits, dont une tentative de meurtre, commis en particulier en Basse-Saxe entre 1999 et 2016.

Photos non datées de Burkhard Garweg, Ernst-Volker Staub et Daniela Klette, tous anciens membres de la Faction armée rouge
HANDOUT / AFP

«Au cours des neuf dernières années, nous avons entrouvert différentes portes, et pas seulement en Allemagne. Et nous avons aussi essuyé des échecs jusqu’à ce que nos collègues, après avoir reçu un renseignement, se présentent à sa porte lundi, et vérifient son identité. Elle n’a pas opposé de résistance », a résumé le chef du parquet de Verden, Clemens Eimterbäumer. Poursuivie pour ces six délits, Daniela Klette s’expose à une peine maximale de quinze ans de détention.

Attentats à la bombe et assassinats

Son passé terroriste pourrait être plus difficile à instruire. L’intéressée est mise en cause pour un attentat à la bombe perpétré en 1993 contre le centre de détention de Weiterstadt, qui n’a pas fait de victimes. Elle est également recherchée pour un attentat à la bombe manqué contre un bâtiment de la Deutsche Bank en 1990 et une attaque à l’arme automatique un an plus tard contre l’ambassade américaine à Bonn.

Avec pour principaux fondateurs Andreas Baader et Ulrike Meinhof, la Fraction Armée rouge a commis les premiers attentats à la bombe au début des années 70, au moment de la guerre du Vietnam, dirigés en particulier contre des bâtiments militaires américains. Leur rendant visite en 1974 au quartier de haute sécurité de Stammheim, près de Stuttgart, le philosophe Jean-Paul Sartre avait compati au sort de Baader. Et dressé un parallèle, jugé outrageant outre Rhin, entre les tortures nazies et celles infligées au groupe.

Leurs membres furent retrouvés morts dans leurs cellules en 1976 et 1977, déclenchant un nouveau cycle de représailles, baptisé l’Automne allemand dont les protagonistes purent momentanément s’abriter sous le parapluie de la RDA. Fait marquant, le président du patronat allemand, Hanns Martin Schleyer fut enlevé puis assassiné en 1977. Pour leur part, Daniela Klette et ses deux camarades appartiennent à la troisième et dernière génération de la RAF, durant laquelle le patron de la Deutsche Bank, Alfred Herrhausen a été assassiné le 30 novembre 1989, trois semaines après la chute du mur de Berlin.

«Cette génération a commis plusieurs assassinats, mais nombre d’entre eux n’ont pas encore été élucidés à ce jour, parce que leurs auteurs se sont efforcés de dissimuler toute trace. Leurs prédécesseurs, en revanche, avaient laissé des empreintes digitales, des tampons, des indices de machines à écrire », explique au Figaro Klaus Pflieger, ancien procureur de Württemberg et spécialiste de la RAF.

Des zones d’ombre à éclaircir

Parmi ces assassinats, figure probablement celui de Detlev Rohwedder en 1991, le patron de la Treuhand. Cet organisme chargé de la liquidation des biens industriels de l’ex RDA était honni en Allemagne de l’Est. «Il s’agissait alors de simples actions punitives dirigées contre des dirigeants et des représentants de l’économie allemande. Puis leurs membres ont compris que tout cela n’avait plus aucun sens et ils ont proclamé la dissolution», poursuit Klaus Pflieger.

La probable tête du groupe, Wolfgang Grams, s’est suicidée en 1993 pour échapper à son arrestation. Sa proche camarade Birgit Hogefeld a purgé une peine de 18 ans de prison avant de se reconvertir dans l’édition, vivant depuis en Allemagne en toute discrétion. Dans le brouillard entourant la réunification, Daniela Klette, Burkhard Garweg et Ernst-Volker Staub se sont en revanche volatilisés, vivant de braquages et de complicités, jusqu’à lundi soir. C’est cet épisode et celui qui l’a précédé que les enquêteurs vont tenter d’éclaircir. À condition que les intéressés acceptent de violer la loi du silence, qui a toujours censé prévaloir au sein de la RAF.

Source du contenu: www.lefigaro.fr

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