En Ukraine, les anciens de Maïdan à l’épreuve de la guerre

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Yevgen Nichuk n’est que de passage, en rotation pour quelques jours seulement. Depuis l’invasion russe de février 2022, cet acteur de théâtre combat dans une unité de dronistes déployée dans la région de Soumy, à l’est du pays, après avoir servi dans la banlieue de Kiev et au sud de l’Ukraine. Ce jeudi 15 février, assis dans une loge d’artistes du théâtre national Ivan Franko de Kiev, il observe en silence des photos le représentant dans différents rôles.

Dix ans plus tôt, durant l’hiver 2013-2014, il incarnait la « Voix de Maïdan » et haranguait la foule de manifestants qui avait investi la place centrale de Kiev, lors de la « révolution de la dignité ». Dans la nuit du 18 au 19 février 2014, « Maïdan atteignait son pic d’intensité », se souvient-il. Des affrontements meurtriers avaient alors éclaté, suivis d’une tentative des forces de sécurité du président prorusse, Viktor Ianoukovitch, de disperser les protestataires installés sur la place depuis trois mois déjà.

« Nous n’avons rien lâché », se rappelle Yevgen Nichuk, souriant un bref instant. « Nous nous sommes battus pour nos valeurs et pour notre dignité, et cette victoire a confirmé le désir d’indépendance d’une nation face aux ambitions impérialistes de la Russie. »

« Tous ces morts dans les rues »

Trois jours plus tard, dans la nuit du 21 au 22 février 2014, Ianoukovitch prenait la fuite et se réfugiait en Russie, où il réside toujours. Ivan Sautkin, un réalisateur qui a contribué à créer le collectif de documentaristes ukrainiens Babylon’13, dont l’ambition était de suivre les manifestations pour contrer la propagande du régime, se remémore, lui, une victoire amère. « Bien sûr, on a acheté quelques bouteilles d’alcool et bu tous ensemble, dit-il. Mais tous ces morts dans les rues, ça a été très douloureux et traumatisant. »

Ivan Sautkin (à droite), réalisateur, fondateur du collectif de documentaristes Babylon’13 lors des manifestations de la place Maïdan, montre le casque de protection qu’il portait alors. A Kiev, le 4 février 2024.

La joie des manifestants proeuropéens de Maïdan a en effet été de courte durée. Très vite, des « petits hommes verts », des soldats russes sans insignes, ont pris possession de la Crimée, une opération déguisée qui mènera à l’annexion de la péninsule ukrainienne par un simulacre de référendum, le 16 mars 2014. Puis, la guerre dans le Donbass, à l’est du pays, a commencé, déclenchée par des manifestations violentes d’Ukrainiens opposés au nouveau gouvernement de Kiev. Huit ans plus tard, en février 2022, Vladimir Poutine justifiera l’invasion de toute l’Ukraine en prétendant vouloir « éliminer les menaces venues d’un régime néonazi existant en Ukraine depuis le coup d’Etat de 2014 ».

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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