De nouveaux bombardements israéliens sur la bande de Gaza ont fait des dizaines de morts dans la nuit de vendredi 16 à samedi 17 février. Les craintes s’intensifiaient pour au moins 120 patients et 5 membres de l’équipe médicale piégés sans eau, nourriture ni électricité à l’hôpital Nasser, à Khan Younès, principale ville du sud de la bande de Gaza, selon le ministère de la santé du mouvement islamiste Hamas.
Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, l’armée israélienne bombarde sans cesse le petit territoire : 28 858 personnes ont été tuées dans l’enclave palestinienne, selon un dernier bilan du ministère de la santé du Hamas, qui a également fait état de 68 667 blessés.
Pour Benyamin Nétanyahou, ne pas mener d’opération à Rafah reviendrait à « perdre la guerre » contre le Hamas
L’armée israélienne doit mener son opération dans la ville de Rafah, où s’entassent environ 1,4 million de Palestiniens, dans le sud de Gaza, sans quoi elle va « perdre la guerre » contre le Hamas, a affirmé samedi soir le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, au cours d’une conférence de presse.
Le président américain, Joe Biden, dont le pays est le premier soutien d’Israël, a rappelé vendredi qu’une opération à Rafah « ne devait pas avoir lieu sans un plan crédible » pour protéger les civils. Le président français, Emmanuel Macron, a prévenu qu’une opération à Rafah aboutirait « à un désastre humanitaire sans précédent ». « Quiconque veut nous empêcher de mener une opération à Rafah nous dit en fait de perdre la guerre. Je ne vais pas céder à cela », a déclaré M. Nétanyahou.
Le premier ministre israélien a aussi affirmé que l’armée mènerait son opération à Rafah, même en cas d’accord avec le mouvement islamiste palestinien pour la libération des otages toujours détenus dans la bande de Gaza.
Le Hamas menace de quitter les pourparlers ; des négociations « pas très prometteuses », selon le Qatar
Des négociations complexes à propos d’une trêve dans les combats, d’une libération d’otages retenus à Gaza et de prisonniers palestiniens écroués par Israël se poursuivaient ainsi samedi par l’intermédiaire des pays médiateurs, Egypte, Qatar et Etats-Unis, mais le premier ministre du Qatar, Mohammed Ben Abderrahmane Al Thani, a estimé qu’elles n’avaient « pas été très prometteuses ces derniers jours ».
Le Hamas a menacé samedi de quitter les pourparlers si une aide supplémentaire n’était pas rapidement acheminée dans la bande de Gaza, y compris dans le nord du territoire. « Les négociations ne peuvent pas avoir lieu tant que la faim ronge le peuple palestinien. Le mouvement a l’intention de suspendre les négociations jusqu’à ce que l’aide soit apportée au nord de Gaza », a déclaré un « dirigeant » du Hamas dans un communiqué diffusé par Al-Aqsa, la chaîne du mouvement. Interrogé par l’AFP, un haut responsable du mouvement islamiste palestinien requérant l’anonymat a confirmé que « les médiateurs égyptiens et qataris [avaient] été informés de l’intention du Hamas de suspendre les négociations jusqu’à ce que l’aide soit apportée dans la bande de Gaza, y compris dans le Nord ».
Le Hamas insiste entre autres sur un « cessez-le-feu total » et le retrait des forces israéliennes de la bande de Gaza. Le premier ministre israélien refuse pour l’instant les exigences du Hamas. « Nous resterons toujours optimistes. Nous continuerons à pousser. Nous ferons de notre mieux pour nous rapprocher » d’un accord, a déclaré Mohammed Ben Abderrahmane Al Thani. « Un dilemme auquel nous avons été confrontés (…) est qu’obtenir un cessez-le-feu [était] conditionné à un accord sur les otages », a-t-il relevé au cours de la Conférence de Munich sur la sécurité. « Cela ne devrait pas être conditionné. »
Un accord de trêve en novembre avait permis la libération de 105 otages, parmi lesquels 80 Israéliens, contre 240 prisonniers palestiniens incarcérés par Israël. Selon Israël, 130 otages sont encore détenus à Gaza, dont 30 seraient morts, sur environ 250 personnes enlevées le 7 octobre.
La normalisation avec l’Arabie saoudite serait « une victoire » sur le Hamas, estime le président israélien
Le président israélien, Isaac Herzog, a jugé important de poursuivre la coopération entre Israël et l’Arabie saoudite en vue d’une normalisation de leurs relations, qui marquerait « une victoire sur les agissements » du Hamas. « Je crois sincèrement qu’aller de l’avant vers la normalisation et faire tous les efforts possibles est une occasion historique très importante », a déclaré le chef de l’Etat israélien à la Conférence de Munich sur la sécurité, appelant toutes les parties « à saisir ce moment ».
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Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a évoqué, peu avant, « une occasion extraordinaire » au Proche-Orient, liée au fait que « virtuellement tous les pays arabes » souhaitaient à terme normaliser leurs relations avec Israël. Répondant directement aux propos de M. Blinken, le président israélien a admis qu’il existait « des occasions », en disant juger qu’elles devaient « être étudiées en profondeur ». « Cependant, avant toute chose, la sécurité d’Israël doit être préservée. Et pour cela, nous devons finir le travail de sape et d’éradication des infrastructures de base du Hamas », a-t-il ajouté.
Après le bombardement de l’hôpital Nasser à Khan Younès, l’inquiétude pour les malades coincés à l’intérieur
Depuis des semaines, l’armée israélienne concentre ses opérations à Khan Younès, ville natale du chef du Hamas à Gaza, Yahya Sinouar, cerveau présumé des attaques du 7 octobre. A l’hôpital Nasser, six malades, dont un enfant, sont morts depuis vendredi en raison de coupures d’électricité qui ont provoqué l’arrêt de la distribution d’oxygène, selon le ministère de la santé du Hamas. « Les nouveau-nés risquent de mourir dans les prochaines heures », a-t-il affirmé.
D’après l’armée, les troupes ont pénétré jeudi dans l’hôpital sur la base de « renseignements crédibles » selon lesquels des otages enlevés le 7 octobre y sont retenus et que les corps de certains d’entre eux s’y trouvaient peut-être encore. Samedi, elle a annoncé avoir arrêté 100 personnes dans l’hôpital soupçonnées d’« activités terroristes », et y avoir découvert des obus, des grenades et d’autres armes appartenant, selon elle, au Hamas.
Des médecins ont décrit une situation intenable dans l’hôpital, l’un des onze qui restent ouverts sur les trente-six que comptait la bande de Gaza avant la guerre, qui est « à peine fonctionnel », selon l’Organisation mondiale de la santé. « Plus de dégradations à l’hôpital, c’est plus de vies perdues. » Médecins sans frontières (MSF) a annoncé que ses employés avaient « dû fuir, laissant les malades derrière eux ». « La situation était chaotique, catastrophique », selon Christopher Lockyear, secrétaire général de MSF. Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a dénoncé ce raid qui « semble s’inscrire dans une tendance des forces israéliennes à attaquer des infrastructures essentielles qui sauvent des vies, en particulier des hôpitaux, à Gaza ».
Dans le nord de la bande de Gaza, la famine menace
Sous blocus israélien, la bande de Gaza est l’un des territoires les plus pauvres du Moyen-Orient, mais avant le déclenchement de la guerre entre Israël et le Hamas, le 7 octobre, la population parvenait à manger à sa faim. Aujourd’hui, après plus de quatre mois de guerre, la population de Gaza se rapproche un peu plus chaque jour de « la famine » selon le Programme alimentaire mondial (PAM) de l’ONU. La situation est particulièrement critique dans le nord du territoire, où peinent à parvenir les organisations humanitaires internationales.
Depuis le début de l’année, l’ONU n’a reçu l’accord d’Israël que pour douze des soixante-dix-sept missions d’évaluation et d’assistance des besoins dans le Nord pour lesquelles elle a demandé l’autorisation, selon son Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), qui dénonce les restrictions israéliennes. « Il y a 300 000 personnes dans le Nord et je n’ai aucune idée de comment elles survivent. Ce que nous parvenons à acheminer dans le Nord n’est absolument pas suffisant. C’est la misère à l’état pur », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) Andrea De Domenico, chef de l’OCHA pour les territoires palestiniens. « Chaque fois que nous franchissons le checkpoint de Wadi Gaza [passage vers le nord] avec de l’aide, des milliers de personnes surgissent, bloquent les camions et les vident », dit-il.
Ces derniers jours, l’ONG World Central Kitchen, qui offrait des milliers de repas chauds par jour, a dit avoir été « forcée » de quitter la ville de Gaza, dans le nord de la bande, pour Rafah. Située tout au sud, près de la frontière égyptienne, la ville s’est transformée ces dernières semaines en un vaste camp où vivent désormais 1,4 million de personnes, la grande majorité déplacée par les raids et les combats.
Avant la guerre, environ 500 camions par jour entraient avec des denrées diverses dans la bande de Gaza. Depuis, ce nombre dépasse rarement 200, malgré les énormes besoins. Israël resserre les contrôles sur les camions entrant dans le territoire pour éviter que des armes ne soient envoyées au Hamas, voire que des leaders du mouvement en sortent, ce qui limite de facto l’acheminement de l’aide. Sans compter les manifestations de groupes de l’extrême droite israélienne qui veulent bloquer les camions devant le point d’entrée à Gaza ni la nécessité pour l’ONU d’avoir des démineurs à bord, en raison des nombreuses munitions n’ayant pas explosé dans le Nord.
Source du contenu: www.lemonde.fr