Les Etats-Unis instaurent des seuils limites aux « polluants éternels » dans l’eau courante

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L’impunité prend fin dans les robinets : les autorités américaines ont annoncé, mercredi 10 avril, instaurer des seuils limites dans l’eau courante pour les PFAS, surnommés les « polluants éternels », une première au niveau national dans le pays, qui illustre une prise de conscience grandissante concernant les dangers de ces substances chimiques pour la santé.

Cette nouvelle réglementation doit permettre de réduire l’exposition aux PFAS d’environ 100 millions de personnes, et d’empêcher « des milliers de morts », selon l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA). Il s’agit de la mesure « la plus forte jamais prise sur les PFAS par l’EPA », a déclaré son patron, Michael Regan.

Les per- et polyfluoroalkylées (PFAS) sont une grande famille de molécules de synthèse utilisées depuis les années 1940 et ayant été développées pour leur résistance à la chaleur ou encore leur imperméabilité. Ils sont par exemple utilisés dans les textiles imperméables, les poêles antiadhésives (Teflon), certains détergents et cosmétiques, et dans bien d’autres objets.

Problème : ces propriétés les rendent quasi-indestructibles, leur permettant ensuite de s’accumuler dans la nature ou le corps humain. Or, l’exposition à certains PFAS a été liée à des cancers, peut affecter la fertilité ou encore le développement des jeunes enfants, a souligné l’EPA.

Lire le décryptage : Article réservé à nos abonnés « Polluants éternels » : quels sont les effets des PFAS sur la santé ?

« Beaucoup d’entre eux peuvent être nocifs pour notre santé et l’environnement »

« Il ne fait aucun doute que ces composés chimiques ont été importants pour certaines industries et certains usages des consommateurs », a déclaré Michael Regan. « Mais il ne fait pas non plus de doute que beaucoup d’entre eux peuvent être nocifs pour notre santé et l’environnement. »

Ailleurs aussi, les PFAS se retrouvent de plus en plus visés par les autorités : en France par exemple, l’Assemblée nationale a approuvé en première lecture l’interdiction de certains produits contenant des PFAS.

Le gouvernement américain avait annoncé son intention d’agir concernant les PFAS dans l’eau potable il y a environ un an. La réglementation est désormais finalisée, au terme d’une période de consultation publique. Dans le détail, elle concerne cinq types de PFAS − notamment les PFOA et PFOS, les plus étudiés et les plus souvent détectés.

L’Agence américaine de protection de l’environnement estime qu’entre 6 % à 10 % des systèmes publics fournissant de l’eau potable (66 000 au total) devront prendre des mesures pour se conformer aux nouvelles normes. Ils auront d’abord trois ans pour tester leur eau et informer la population des niveaux de pollution observés. Ils auront ensuite deux années supplémentaires pour agir, par exemple en installant des filtres spécifiques.

Un milliard de dollars pour financer les installations

Le gouvernement de Joe Biden a annoncé mercredi la mise à disposition d’un milliard de dollars (environ 920 millions d’euros) pour aider à financer ces installations − des fonds issus d’une grande loi de rénovation des infrastructures adoptée en 2021. Une dizaine d’Etats américains avait déjà des limites pour les PFAS dans l’eau potable, et ils pourront les conserver si celles-ci sont plus strictes que les limites nationales. D’autres pays, ainsi que l’Union européenne, ont également déjà des seuils limites.

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Mais ceux annoncés par les Etats-Unis sont « parmi les plus strictes de monde, voire les plus strictes », selon Melanie Benesh, de l’Environmental Working Group (EWG), une organisation très engagée sur ce sujet. La nouvelle réglementation est « historique », a-t-elle ajouté auprès de l’Agence France-Presse. « C’est une grande victoire pour la santé publique aux Etats-Unis. »

Le gouvernement Biden avait annoncé s’attaquer aux PFAS en 2021, en lançant des actions sur plusieurs fronts. En février, les autorités sanitaires américaines ont par exemple annoncé la fin de la vente d’emballages d’aliments contenant des PFAS (emballages de fast-food, plats à emporter, sachets de pop-corn…), supprimant ainsi l’une des principales sources d’exposition alimentaire.

Lundi, l’EPA a également annoncé demander aux entreprises travaillant pour l’administration américaine d’acheter des produits d’entretien ne contenant pas de PFAS. Parmi les futures mesures encore attendues : l’EPA travaille à désigner plusieurs types de PFAS comme « substances dangereuses ».

Mais il reste « beaucoup de travail pour mettre fin à la pollution aux PFAS », a déclaré Ken Cook, président de l’organisation EWG. « Ces substances chimiques contaminent désormais tous les Américains depuis leur naissance », a-t-il dit. Et ce « parce que, depuis des générations, les PFAS ont glissé sur toutes les lois environnementales, comme un œuf au plat sur une poêle en Teflon. »

Le Monde avec AFP

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