Au Mali, le mardi 26 mars devait marquer la fin officielle de la période de transition ouverte avec le coup d’État militaire d’août 2020. Mais en dépit des engagements qu’elles ont pris, les autorités maliennes demeurent en place.
Le 26 mars 1991 avait mis un terme à la dictature militaire du général Moussa Traoré. Celui qui était à la base un lieutenant dans l’armée avait renversé la jeune République du Mali par un coup d’État en 1968, avant d’être éjecté à son tour par le lieutenant-colonel Toumani Touré. Après une période de transition, ce dernier instaura la démocratie, qui perdura jusqu’à ce qu’elle soit renversée par des militaires putschistes en mars 2012. Après une transition, Ibrahim Boubacar Keïta fut élu président de la République en 2013 puis réélu en 2018 après une élection contestée, qui aboutit au coup d’État militaire du 18 août 2020, unanimement condamné par la communauté internationale et qui provoqua le départ des militaires français, présents depuis 2013 dans le cadre des opérations Serval puis Barkhane visant à lutter contre les groupes djihadistes dans le nord du pays.
Le colonel des forces armées maliennes (FAMA) Assimi Goïta prit ainsi le pouvoir comme président de transition du Mali. Une transition qui dure… 30 ans jour pour jour après la chute du dictateur Traoré, elle aurait officiellement dû atteindre son terme ce mardi, mais les militaires putschistes s’accrochent au pouvoir. Assimi Goïta avait effectivement signé le 6 juin 2022 un décret présidentiel qui allongeait la durée de la transition malienne de vingt-quatre mois, à partir du 26 mars 2022. Alors qu’un «léger report» avait été annoncé il y a six mois concernant l’élection présidentielle qui devait se tenir en février dernier, Bamako n’a fixé aucune nouvelle date à ce jour.
La durée de la période de transition avait fait l’objet de longs pourparlers au sein de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), mais, depuis novembre 2022, le Mali a quitté l’organisation régionale. Les membres de l’opposition malienne, qui réclament un retour à l’ordre constitutionnel démocratique, dénoncent une «prise d’otage» du pays depuis quatre ans, rappellent nos confrères de RFI. «Ils prolongent», résume au Figaro Antoine Glaser au sujet du gouvernement de transition. «C’est du vent», affirme catégoriquement cet ancien journaliste et fin connaisseur du continent africain à propos d’une fin éventuelle de la «transition».
Le poids de l’allié russe
Du côté de la junte militaire au pouvoir, Hamman Touré, le président du Msat – une organisation qui soutient les putschistes -, cité par RFI, encourage la prolongation de cette transition, au nom de la menace terroriste qui pèse toujours sur le Mali : «On leur a confié une mission. Donnons-leur le temps de terminer ! Ils sont en train de bien gouverner». Puis le Malien de surenchérir : «Vous pensez que ceux qui vont venir (qui seraient élus, NDLR) ne vont pas rencontrer les mêmes problèmes ? Qui est plus apte qu’un militaire pour la sécurité, qui ?». Pour lui, la fin de la transition interviendra «lorsque le territoire sera libre et que la sécurité des populations sera en ordre».
En réalité, pour les putschistes, l’enjeu à ce stade n’est plus la tenue des élections, selon Antoine Glaser, qui assure que «Goïta et ses militaires sont installés». Outre le soutien populaire, c’est le jeu des alliances qui risque de déterminer l’avenir du gouvernement de transition, qui s’appuie depuis le départ des troupes françaises en 2022 sur Moscou et les mercenaires de Wagner. «C’est son allié russe qui a permis au gouvernement de transition de reprendre le nord» du pays, miné de longue date par les groupes djihadistes, mais aussi par les velléités d’autonomie des Touaregs, estime Antoine Glaser. De quoi entretenir, au passage, la propagande contre l’ancien protecteur français au cœur du discours souverainiste des putschistes depuis leur coup d’État.
Mais la centralité de la Russie ne plaît pas à tout le monde. «La présence russe au Nord, à Kidal, pose problème avec les Algériens», certifie l’africaniste. Rouage essentiel des négociations entre les différents partis, le voisin algérien – pourtant allié historique de Moscou – s’imposait jusqu’ici en acteur stratégique dans la région. Mais le déclin diplomatique de l’Algérie s’est accru depuis la sortie du Mali de l’accord d’Alger, le 25 janvier dernier, alors que celui-ci avait été signé en 2015 avec les rebelles Touaregs dans le but de stabiliser le Sahel. Les Russes ont su en profiter, mais les tensions entre Alger, Bamako et Moscou perdurent. En décembre dernier, les ambassadeurs du Mali à Alger et d’Algérie à Bamako avaient été rappelés par leurs autorités respectives.
«Mais finalement, l’Algérie fait tout pour renouer des relations à peu près correctes avec les putschistes» face au constat de l’enracinement russe en terre malienne et de la relative stabilité du gouvernement de transition, soutient Antoine Glaser. C’est par exemple dans cette dynamique que l’ambassadeur algérien est retourné à Bamako le 5 janvier dernier.
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Désormais, que feront les autorités maliennes de transition ? Prendront-elles la peine de régulariser cette situation ? La Cour constitutionnelle statuera-t-elle d’elle-même ? Le gouvernement militaire de transition se maintiendra-t-il comme si de rien n’était ou une élection présidentielle finira-t-elle par être organisée, et dans quelles conditions ? La Cédéao doit en tout cas se réunir le 3 juillet prochain à Accra (au Ghana) et décidera du maintien ou non des sanctions qui pèsent sur le Mali depuis le 9 janvier.
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