L’espion présumé aurait travaillé pour le MI6, le ministère des Affaires étrangères, et aurait rencontré dans sa carrière au Royaume-Uni plusieurs premiers ministres britanniques ainsi que le prince de Galles, futur Charles III.
Comment l’individu a-t-il pu duper à ce point le contre-espionnage britannique ? Comme le révèle le quotidien britannique The Times , un réfugié afghan arrivé au Royaume-Uni en 2000 a été accusé d’espionnage au profit de la Russie et déchu en 2019 de sa citoyenneté britannique acquise durant son asile.
Les preuves n’étant pas suffisantes pour l’inculper au pénal, l’individu a pu revenir au Royaume-Uni à la chute de Kaboul à l’été 2021, où il travaillait depuis plusieurs années. Il conteste aujourd’hui sa déchéance de nationalité devant la Commission spéciale de recours en matière d’immigration (SIAC), une cour d’appel qui traite des questions de sécurité nationale.
Demande d’asile en 2000
Les services secrets britanniques affirment pourtant que l’homme, dont le nom, tenu secret, a été remplacé par l’indicatif «C2» durant l’audience, a «probablement» servi d’espion pour le GRU, le service de renseignement militaire russe, rapporte le journal britannique.
Né en Afghanistan, l’individu s’est rendu à Moscou où il a vécu pendant 6 ans dans les années 1990. «C2» y a suivi des études et s’est marié. En 2000, il se rend au Royaume-Uni avec l’aide d’un passeur qui lui fournit un faux passeport russe et un billet d’avion pour les Caraïbes avec une escale à Londres où il se présente à la douane pour demander l’asile. C’est là que l’individu a reconnu à l’audience avoir menti sur ses années passées en Russie par crainte d’être expulsé. Au contrôle, il affirme en effet avoir fui le régime taliban car «sa famille était menacée par les moudjahidines». Ce récit selon lui était la «meilleure histoire» pour recevoir l’asile qu’il convoitait.
Rencontre avec le prince de Galles
Au Royaume-Uni, il suit des études dans le renseignement et la sécurité, travaille comme traducteur puis aurait commencé à travailler pour les services de renseignements britanniques, en particulier pour le GCHQ (Government Communications Headquarters) attaché au gouvernement.
Il retourne ensuite en Afghanistan pour le compte du ministère des Affaires étrangères, comme conseiller culturel pour une mission de reconstruction au sud du pays. C’est à ce poste qu’il a l’occasion de rencontrer le prince de Galles et futur roi Charles III, ainsi que les premiers ministres Gordon Brown et David Cameron. Il quitte ensuite son travail et trouve des missions notamment pour le ministère afghan du commerce à Kaboul.
L’accusation lui reproche principalement d’avoir été en contact à cette époque avec deux agents du GRU à Kaboul. Lui affirme qu’il ne connaissait pas leur véritable fonction et que ces rencontres étaient purement «amicales» dans le cadre de soirées «alcoolisées» pour partager notamment «des photos de lance-roquettes et de femmes nues», rapporte de son côté le Washington Post.
Détecteur de mensonge
Pendant ses années en Afghanistan, où il ne travaillait plus pour le ministère des Affaires étrangères, «C2» se serait rendu en Russie au moins six fois. Il a admis notamment avoir rencontré un responsable du ministère russe des Affaires étrangères. Il a reconnu notamment avoir transmis des copies de sa carte d’identité et des informations commerciales liées à l’OTAN, qui, selon lui, n’étaient pas confidentiels.
C’est également à cette époque que le contre-espionnage commence à se méfier et l’interroge à l’occasion d’un aller-retour à Londres pour voir sa famille. L’agent du MI5, selon les déclarations du concerné devant le tribunal, l’aurait alors accusé d’avoir été formé par le GRU depuis l’âge de cinq ans. Au cours d’une autre entrevue avec le contre-espionnage, «C2» aurait passé un test au détecteur de mensonges, et aurait échoué selon ses accusateurs.
À l’audience devant la cour d’appel, l’avocat qui représentait le ministère de l’Intérieur a accusé l’intéressé de «réponses trompeuses et invraisemblables» ainsi que de «mensonges». Si le juge a de son côté déclaré que la défense de l’accusé pouvait être crédible, il a aussi affirmé que l’Afghan pouvait toujours être considéré comme une menace pour la sécurité nationale.
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