Samar Yazbek, écrivaine : « Bachar Al-Assad est tombé mais la véritable révolution des Syriens ne fait que commencer »

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Le dictateur est tombé, l’homme qui avait assassiné son peuple et bradé le pays est parti, il s’est enfui lâchement, laissant derrière lui une destruction incommensurable. Au moment où j’écris ces lignes, la question reste vivace en moi : sommes-nous bel et bien libérés de l’emprise du clan Al-Assad ?

Je suis née en 1970, l’année où Hafez Al-Assad a procédé à son coup d’Etat militaire, et, depuis lors, je n’ai pas connu d’autre pouvoir que celui du clan Al-Assad, issu des rangs de l’armée. Plus d’un demi-siècle passé sous la férule d’une famille mafieuse, responsable d’avoir infligé aux Syriens une vie d’humiliation et d’esclavage dans cette grande ferme agricole qui a pour nom « Syrie d’Al-Assad ».

Je me souviens que, déjà au début des années 1980, la tenue qu’on nous obligeait à porter à l’école était un uniforme militaire, avec son tissu kaki-brun et son béret ! Chaque matin avant le début des leçons, nous passions quelques minutes debout dans la cour afin d’entonner l’hymne national. Chaque classe de filles se mettait en rang telle une colonne de soldates, puis nous levions les mains vers l’avant, le bras légèrement incliné vers le haut dans un geste qui ressemblait un peu au salut hitlérien. Ensuite, l’une d’entre nous, qui avait été préalablement désignée par la professeure d’éducation militaire, s’écriait : « Qui est notre commandant pour l’éternité ? », et, d’une voix pleine de ferveur, nous lui répondions en chœur : « C’est le président Hafez Al-Assad !  » Cette scène s’est reproduite des années durant, passées à répéter quotidiennement cette formule : « Notre commandant pour l’éternité est le président Al-Assad. »

Joie ambivalente

Un jour, je me suis trouvée, pour une raison oubliée depuis, épuisée de fatigue et, de ce fait, incapable de réciter la formule avec la puissance voulue, et de lever les bras suffisamment haut. Je me suis contentée de bredouiller les paroles, espérant que personne ne me remarquerait parmi toutes ces rangées d’écolières. A la fin de l’hymne, la professeure d’éducation militaire s’est approchée de moi et m’a hurlé au visage, m’accusant de m’être délibérément abstenue. Ma punition consistait à parcourir la cour d’école cinq fois aller et retour en rampant au sol. Je n’avais le droit d’utiliser que mes coudes et mes genoux.

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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