C’est la base la plus secrète de la marine française. Et pour cause : l’île Longue, dans la rade de Brest (Finistère), abrite la composante navale de la dissuasion nucléaire française, à savoir quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), capables d’emporter chacun seize missiles nucléaires, soit environ mille fois la puissance de la bombe d’Hiroshima. Quatre « bateaux noirs », comme on les surnomme, dont un au moins est en patrouille à chaque instant depuis 1972, selon le principe de « permanence à la mer ». Leur rôle : disparaître dans l’océan – se « diluer », dans le jargon –, pour être en mesure de porter le feu nucléaire là où ils en recevront éventuellement l’ordre de la part du président de la République.
Patrouilles terrestres, maritimes et par drones assurent la sécurité de la base. Pour y pénétrer, plus de 2 000 employés doivent montrer patte blanche : scanners, système de reconnaissance faciale et équipes cynophiles veillent au grain, comme a pu le constater Le Monde à la faveur d’une visite, en décembre 2024. Les téléphones portables et autres appareils électroniques sont interdits dans une grande partie de la base, et doivent être remisés dans des casiers spécifiques aux multiples points de contrôle.
Cela n’a pourtant pas empêché que des informations hautement sensibles s’échappent de cette forteresse sécuritaire. Notre enquête montre que plusieurs sous-mariniers divulguent par mégarde, sur Internet, des informations concernant le rythme des patrouilles des SNLE. Une faille liée à leur utilisation de l’application Strava, qui permet d’enregistrer et de partager des performances sportives en ligne. Celle-ci s’inscrit dans le droit-fil des « StravaLeaks », révélées par Le Monde, à l’automne 2024. Les gardes du corps des présidents français, américain et russe, également utilisateurs de l’application, permettaient de suivre et d’anticiper certains déplacements de ces chefs d’Etat.
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Source du contenu: www.lemonde.fr