Catherine Holstein, le prêt-à-porter porteur de Khaite

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Quels vêtements vous touchent encore quand vous êtes créateur de mode et que vous en imaginez des centaines chaque année ? L’Américaine Catherine Holstein ne cite pas un de ces longs manteaux en laine ou une de ces jupes droites en cuir qu’elle dessine pour sa marque Khaite, mais une paire de bretelles à imprimés petites voitures, bien loin de son minimalisme chéri. « Je devais avoir 3 ou 4 ans, raconte-t-elle, voix haut perchée et débit fulgurant. Lorsque mon frère m’a donné ces bretelles, j’ai ressenti une joie si puissante qu’elle m’a semblé presque effrayante. Depuis, c’est cet électrochoc que je traque en faisant de la mode. Ce qui, d’une certaine façon, est vain : rien ne sera jamais aussi fort. »

Catherine Holstein, 40 ans, est une pasionaria de la fringue, à vous glisser une anecdote sur chaque pièce comme on en trousserait une biographie. Le jeans Levi’s au tombé parfait ; le pull à col roulé Loro Piana piqué à sa sœur ; la veste Balenciaga oubliée dans un taxi à Mexico, et pour laquelle elle avait fait des pieds et des mains durant tout le séjour afin qu’on la retrouve… ce qui a été fait. « C’est pathétique d’admettre ça, mais j’étais véritablement dévastée. C’était comme perdre un bras. »

Depuis 2016, son label, Khaite (une dérive de son surnom, « Cate »), doté d’une croissance solide avec un chiffre d’affaires annuel en augmentation de 30 % en 2023, forme un pourvoyeur de prêt-à-porter fait essentiellement en Italie, noir, sable, blanc ou gris. Vestes aux épaules anguleuses ou tout en rondeur, robes fluides marquées d’une ceinture, nuisettes à fines bretelles, pantalons à pli, vestes en daim ou cardigans sages se révèlent aussi portables et flatteurs que la scénographie des défilés où ils sont présentés se veut sombre et vénéneuse. Son dernier show, organisé le 10 février à la fashion week de New York, boîte noire et podium en miroir, en a été une nouvelle illustration, applaudie.

« J’ai besoin de gratifications immédiates »

Chez Khaite, on débusque avant tout des réminiscences des années 1990 : échos de Nirvana, que Catherine Holstein a toujours vénéré, ou éclats de films de Stanley Kubrick, David Lynch ou Martin Scorsese, mariés à une silhouette épurée et new-yorkaise, à la Donna Karan ou à la Calvin Klein. Dans une fashion week de New York terne face aux locomotives européennes, la recette fait ses preuves. Khaite, avec ses soixante-quinze employés, deux cent soixante-dix points de vente et deux boutiques en propre à la décoration brutaliste, sur Mercer Street à Soho et à Séoul, a atteint les 100 millions de dollars de chiffre d’affaires (environ 94 millions d’euros) dès 2022, seulement six ans après ses débuts. Le signe, peut-être, que « le rêve américain existe encore », veut-elle croire. Avant de nuancer : « La vérité, c’est que j’ai lutté vingt ans pour réussir à prendre aujourd’hui un plaisir absolu dans ce métier et à passer outre la frustration. »

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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