Chez Stock, à Paris, « pile, le goût noiseté de la saint-jacques, face, les notes salines de la prune saumurée »

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A l’écart des Grands Boulevards, dans un coin moins dévolu aux bonnes tables qu’aux bureaux, naissait, début septembre, un restaurant susceptible d’inverser la tendance. Trois pièces en enfilade habillées de niches, baignées d’une lumière ardente et bercées d’une playlist électro. Voilà pour le portrait du Stock, dont le nom (« action » en anglais) fait allusion aux titres financiers qui se sont échangés pendant près de deux siècles entre les murs de l’ancienne Bourse de Paris, située tout à côté.

Concis, créatif et de saison, le menu laisse présager un dîner sans krach. Intuition qui se confirme dans le verre : un énigmatique cocktail « Tzatziki », mêlant vodka infusée au concombre, miel, sirop d’aneth et huile d’olive verte maison à du yaourt grec clarifié. Servi dans une flûte à champagne, ce breuvage sapide est un préambule de choix au défilé d’assiettes que s’apprête à présenter le chef Théo Badalucco.

A seulement 24 ans, le garçon déroule un CV des plus replets : école hôtelière de Nice, dont il est originaire ; apprentissage dans les cuisines de La Passagère (une étoile au guide Michelin), à Juan-les-Pins (Alpes-Maritimes) ; mais aussi dans celles de L’Orangerie, table doublement étoilée de l’hôtel George V, à Paris. Un paquebot – « six cents employés s’y croisent au quotidien sans se parler, un peu comme dans le métro » – qu’il quitte assez vite pour un navire à taille humaine : « J’ai pris le poste de sous-chef aux Résidents, un restaurant qui accueille un nouveau chef chaque trimestre. » C’est là, auprès d’un Italien en résidence, qu’il s’essaie à sa toute première fermentation. « Avant de nous rejoindre, Matteo Bartolini avait travaillé au Noma [table danoise cinq fois sacrée meilleur restaurant du monde par le classement World’s 50 Best], où cette technique est très utilisée. Il m’a tout appris à ce sujet », confie le cuisinier.

Heureux jeu de textures

Quitte à dépasser le maître, l’élève sert au Stock une entrée faisant la part belle à ce mode de conservation : sur un carpaccio de saint-jacques que vient tiédir un bouillon de peau de butternut lactofermentée, Théo Badalucco dépose un condiment à base de prunes saumurées. Comprenez, là encore, ­lactofermentées : « Pendant trois semaines, sous vide, le sucre du fruit ou du légume grignote les acides lactiques naturellement présents à l’intérieur, grâce à l’ajout de sel et à l’absence d’oxygène. »

Tandis que de fines lamelles de radis noir amènent un heureux jeu de textures, différentes saveurs se relaient pour bousculer les papilles. Pile : le goût noiseté de la saint-jacques et de la courge. Face : les notes salines apportées par la prune longuement macérée. Tapi sous un lit de feuilles de cresson constellé de poudre de betterave, l’ensemble laisse le souvenir ému d’un harmonieux mariage sucré-salé. Et révèle en creux la grande technique du jeune chef. Preuve que la valeur n’attend pas le nombre des années, mais aussi qu’il se passe enfin de belles choses du côté du Palais Brongniart.

Saint-jacques à cru : 14 € l’entrée.
Stock, 88, rue de Richelieu, Paris 2e. Ouvert le midi du mardi au vendredi, le soir du mardi au samedi.

A l’intérieur de Stock, dans le 2ᵉ arrondissement, à Paris.
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Source du contenu: www.lemonde.fr

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