Avec son look de mini-pouce en survêtement noir et jaune fluo, casquette calée sur son mulet, deux tresses fines sur les épaules et la main de sa sœur dans la sienne, elle flippe. Ce n’est que maintenant qu’elle y pense, maintenant qu’elle est dans la rue, en route pour emmener la petite chez l’orthophoniste. Elle a peur qu’on la reconnaisse. Que ça s’agite et ça murmure dans son dos. Ce nouveau stress, venu avec la notoriété. Elle n’a pas vu le truc arriver. Le nombre de followers qui monte en flèche sur les réseaux, ça dit rien, ça prépare pas à ça. Trois EP et boum, les grosses salles sold out. Comment c’est possible ? Elle qui n’a fait qu’un seul vrai concert, à danser n’importe comment, à taper sur des synthés comme pour un DJ set solo dans sa chambre.
Pourtant, elle est habillée comme tellement de gars collés aux murs de la ville. Elle se sent comme un garçon. Elle préfère, ça lui donne l’impression d’être protégée. Mais sous la visière, encombrante, impossible à dissimuler, sa petite gueule d’actrice taguée « Teen Porn ». Elle l’a tellement entendue cette phrase dans la bouche de certains animaux flasques et lourds qui lui collent au train depuis ce qui lui paraît être des siècles, malgré ses 20 ans. « Ma petite gueule d’actrice taguée “Teen Porn” » : il faut qu’elle la note pour ne pas oublier. Elle sait que les phrases les plus bêtes, à force, les unes après les autres, les unes sur l’autre, ça peut finir par donner une chanson.
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