Président de la République de 2012 à 2017, François Hollande, originaire de Rouen, a fait de la Corrèze son fief. Il en connaît jusqu’aux vins. Pour Le Monde, le socialiste, qui fêtera ses 70 ans en août, évoque la crise de l’agriculture, le rapport complexe des agriculteurs à l’Europe, le rôle du vin à l’Elysée… et ses goûts.
Que vous inspire la colère des agriculteurs qui s’exprime intensément depuis quelques semaines, notamment contre les normes, trop nombreuses selon eux, et comment jugez-vous la réponse gouvernementale ?
Tout d’abord, il n’y a pas une agriculture, comme il n’y a pas une viticulture, mais des agriculteurs, des viticulteurs. Il est toujours difficile de répondre à une revendication globale alors que la crise recoupe de nombreux sujets sectoriels. La motivation des agriculteurs, c’est en premier lieu de disposer de revenus suffisants, la garantie de la pérennité de leur exploitation. Et derrière la question des normes se trouve la question de l’adaptation au changement climatique. Il y a de plus en plus d’intempéries qui remettent en cause les productions. Les paysans sont menacés et ils ont l’impression de n’être pas toujours soutenus, récompensés pour les services qu’ils rendent.
La première mesure est donc d’accompagner financièrement les exploitations dans la mutation qu’on leur réclame d’engager. Je ne suis pas sûr que d’avoir suspendu le plan Ecophyto [visant à réduire de moitié, d’ici à 2025, l’usage de pesticides chimiques] était la réponse la plus appropriée, y compris pour certains agriculteurs. Car ce plan phyto va revenir, c’est certain. Qu’il puisse être corrigé sur certains points obscurs, d’accord, mais imaginer que l’on va pendant plusieurs mois, plusieurs années, ne plus avoir de règle de limitation de l’usage des pesticides est une illusion, si l’on prend en compte leurs conséquences sur la nature comme sur la santé des agriculteurs.
Les élections européennes du 9 juin approchent. L’Europe protège-t-elle ou menace-t-elle les agriculteurs ?
L’Europe produit des normes, c’est indéniable, mais ce qu’il faut bien comprendre, et je peux en témoigner en tant qu’ancien président de la République, c’est qu’elle fait encore beaucoup pour l’agriculture. Cela représente 30 à 35 % de son budget. Et la France en est le premier pays bénéficiaire. Donc, le premier devoir du président de la République, c’est de maintenir à un haut niveau l’agriculture dans le budget européen, et de faire en sorte que la déclinaison de la PAC [politique agricole commune] puisse avoir le maximum d’impact sur notre pays. Dans une négociation, il est nécessaire de faire des compromis, d’accepter les règles – environnementales entre autres. Les agriculteurs doivent donc appliquer ces normes pour pouvoir bénéficier des contreparties. Il peut être tentant de supprimer les règles, mais alors comment garder les aides ?
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