Jean-Claude Ribaut, journaliste et écrivain : « J’écris sur les lieux qui me plaisent, où j’ai envie de retourner, et les plats qui m’inspirent et racontent une histoire »

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La Provence a toujours été mon terrain d’aventures. Né à Valence, j’ai grandi à Marseille et me sens méditerranéen d’adoption. Le romancier et historien Joël Schmidt disait que « Marseille n’est pas une ville française, mais la capitale d’un continent qui s’appellerait Méditerranée ». C’est un site, une histoire, le lien avec l’Antiquité, la Grèce, le Maghreb. Passionné d’archéologie, j’ai un temps travaillé sur le site des fouilles de Glanum, à Saint-Rémy-de-Provence, ce qui m’a amené au métier d’architecte.

Et c’est l’architecture qui m’a ouvert la porte au journalisme culinaire, puisque, connaissant mon penchant pour le bien manger, on m’a confié la critique gastronomique d’un magazine lugubre et très lu dans le secteur, Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment. Pendant quinze ans, j’ai livré un article par semaine pour recommander de bonnes adresses – où l’on pouvait manger bien et beaucoup – aux entrepreneurs, géomètres, notaires, architectes…

Je me suis rapproché de l’univers journalistique et de certains rédacteurs du Monde – au supplément « Le Monde sans visa », notamment. Il m’est arrivé de leur faire la cuisine dans mon appartement, rue de Varenne, à Paris, pour leur faire goûter des plats comme la tête de veau sauce tortue, une sauce brune complexe sans tortue. En 1989, on m’a proposé d’écrire une chronique aux côtés de Robert Courtine, qui était la plume gastronomique du Monde sous le pseudonyme La Reynière, puis de lui succéder, en 1993.

J’ai tenu la chronique pendant près de vingt ans, en alternance avec Jean-Pierre Quélin, entre 1995 et 2000. J’ai écrit sur des produits, des cuisiniers, des vignerons et des tables. Je ne prétends pas imposer mes goûts, mais je raconte et je partage, en respectant le goût de chacun, grâce à un pseudo-aphorisme inspiré de Spinoza : « Nous n’aimons pas les choses parce qu’elles sont bonnes, elles sont bonnes parce que nous les aimons. » J’écris sur les lieux qui me plaisent, où j’ai envie de retourner, et les plats qui m’inspirent et racontent une histoire.

C’est en Provence, toujours, que j’ai découvert pour la première fois l’aïgo-sau. Je ne saurais dater exactement ma rencontre avec cette recette italo-provençale, mais je sais que c’était au mythique restaurant Lou Marquès, à Arles, en compagnie du poète Pierre Emmanuel – un immense personnage, écrivain de la Résistance, qui m’avait confié un boulot d’architecte. Il est mort deux ou trois ans plus tard, en 1984. Autant dire que c’était une journée à marquer d’une pierre blanche.

L’aïgo-sau est une sorte de bouillabaisse simplifiée. Son nom signifie « eau salée » en provençal. Cela montre bien la pureté du plat : quelques poissons, cuits rapidement à l’eau sur feu vif, des aromates, trois ou quatre pommes de terre pour l’amidon, un beau zeste d’orange. Je prépare volontiers cette recette, que l’on retrouve dans La Cuisinière provençale, recueil culte de recettes méridionales de Jean-Baptiste Reboul, et qui est décidément plus simple et digeste que la tête de veau !

Dictionnaire gourmand du bien boire et du bien manger, de Jean-Claude Ribaut, Editions du Rocher, 890 p., 24 €.

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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