Joseph Savina, le « brodeur sur bois » ami de Le Corbusier

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De lourdes armoires bretonnes dans une galerie consacrée, depuis les années 1980, au mobilier d’architectes du XXe siècle ? C’est le pari osé fait par François Laffanour, fondateur de la galerie germanopratine Downtown, sur Joseph Savina (1901-1983) avec l’exposition monographique qu’il lui dédie, sous-titrée « L’avant-garde bretonne », jusqu’au 2 mars, à Paris. Certes, Joseph Savina est un ébéniste de talent (Meilleur Ouvrier de France en 1929), sculpteur embusqué dans son atelier de la rue Saint-André à Tréguier (Côtes-d’Armor), plus curieux du travail du bois dans lequel il excelle que de mondanités. Une chose le distingue toutefois : il est l’ami et collaborateur de Le Corbusier, l’architecte de la modernité que promeut Laffanour, au même titre que les créations de Jean Prouvé ou de Charlotte Perriand.

Savina et Le Corbusier se sont rencontrés en 1935, mais c’est dans l’après-guerre qu’ils nouent une véritable relation professionnelle, avec, à la clé, des créations communes. A partir des dessins de Le Corbusier, Joseph Savina façonne des sculptures de bois, interprétant avec finesse le projet de l’architecte. « Je trouve, quant à moi, cela épatant, dépassant mes espérances », écrit Le Corbusier à Savina à propos d’Ozon, Opus 1 (1947). Cette œuvre en bois polychrome monogrammé, présentée dans l’exposition parisienne, a été mise en couleur par Le Corbusier lui-même, venu, comme à chaque fois, peindre dans l’atelier breton de son camarade. Elle porte les initiales des deux créateurs, J. S.-L. C.

Mais, à l’exception de cette pièce rare, c’est bel et bien du mobilier massif breton que donne à voir Laffanour. Des meubles lourds, rustiques, ornés de motifs régionaux ou de symboles celtiques ciselés en façade… « J’aime cette rencontre du vernaculaire et du modernisme, souligne le galeriste. Il est intéressant de découvrir des choses nouvelles et de montrer comment la création ne naît pas ex nihilo, mais prend racine dans une diversité d’influences », précise-t-il en montrant une armoire en chêne à la forme architecturée, dont les pieds s’élargissent vers le bas, « ce que l’on retrouve à la même époque chez l’architecte et designer Pierre Chareau ».

Des volutes presque surréalistes

Au début de sa carrière, Joseph Savina s’inspire du travail de la graveuse et décoratrice Jeanne Malivel, cofondatrice, en 1923, du mouvement d’avant-garde Ar Seiz Breur (« les sept frères ») qui rejette le pittoresque décoratif dans la création artistique locale. L’un de ses buffets des années 1930, présenté dans l’exposition, témoigne, avec son décor schématisé, de ses recherches, à rebours d’ornements trop convenus. Progressivement, ce fervent défenseur de l’art breton introduit son propre vocabulaire avec des motifs stylisés : palmettes, losanges, poissons, étoiles de mer… Sur une série de chaises en paille, un dossier aux volutes presque surréalistes se dresse sur trois pieds rigoureux.

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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