L’artichaut de Jérôme Banctel : « Avoir une ligne conductrice dans la création, ça met un temps fou »

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Après avoir travaillé dans l’ombre de Bernard Pacaud et d’Alain Senderens, Jérôme Banctel a été nommé chef de l’hôtel parisien La Réserve il y a dix ans. Auréolé de deux étoiles au guide Michelin depuis 2016, ce Breton de 52 ans espère faire encore grandir sa cuisine.

« Pendant vingt ans, j’ai exécuté la cuisine d’autres : j’ai passé dix ans à L’Ambroisie [à Paris] de Bernard Pacaud. Son fils est arrivé, je suis parti. Puis j’ai fait dix ans chez Lucas Carton, avec Alain Senderens. Il a vendu, je suis parti. Les aléas de la vie ont fait que l’on m’a proposé ma première place de chef ici, à La Réserve. Quand je suis arrivé, en 2015, je me suis retrouvé seul face à une feuille blanche. C’était très compliqué de savoir ce que j’allais faire en cuisine.

Au début, le style classique de Pacaud et celui, plus moderne, de Senderens se retrouvaient dans la même assiette, signée Banctel, on peut dire que ça partait un peu dans tous les sens. Mais, malgré ça, en 2016, on a pris deux étoiles au Michelin. Ça a été un gros soulagement. Puis je me suis dit : deux étoiles, c’est très beau, mais on ne va pas s’arrêter là. Donc, on a repris chaque plat et l’on s’est demandé : est-ce qu’il peut aller plus haut ? Il fallait amener dans l’assiette quelque chose que les autres n’avaient pas.

Avec mon adjointe, Linh Nguyen, on a cherché une recette qui serait notre fil conducteur. J’ai pensé à l’artichaut parce que je suis breton. Et je me suis remémoré une technique que j’avais découverte lors d’un voyage en Turquie : pour empêcher les fruits confits d’exploser pendant la cuisson, ils ajoutent au sirop de la chaux vive que l’on utilise dans le bâtiment. Ça crée une pellicule autour du fruit qui le protège tout en le laissant confire : la texture est unique.

J’ai détourné cette technique traditionnelle en remplaçant le sirop par de l’eau et le fruit par un artichaut. Ça a demandé énormément d’essais, car la durée de cuisson varie en fonction de l’humidité et de la taille du produit. Si la pellicule est trop épaisse, elle devient désagréable à la mâche. Finalement, j’ai compris qu’il me fallait un artichaut breton de 900 grammes plongé dans un bain de chaux pendant six heures.

« Ma signature »

L’artichaut est coupé en quartiers revenus à l’huile, déglacés avec un bouillon d’algues kombu et un vinaigre de sakura. Ses feuilles servent à faire un jus. Cuisiné à la barigoule, il est aussi transformé en purée et en chips. Au début, je le servais avec du saint-pierre, puis, un jour, une habituée m’a dit : “Enlève ton poisson et mets plus d’artichaut !” Je n’avais pas une cuisine végétale, mais j’ai changé avec le temps.

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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