« L’industrie du textile n’avait pas besoin d’une énième marque de luxe », lance Morten Thuesen sous le regard complice de sa compagne et associée, Letizia Caramia, de leur appartement-studio milanais. Le couple de designers formé dans les ateliers londoniens du créateur Alexander McQueen a préféré répondre à un besoin plutôt que d’en créer de nouveaux.
Ainsi sont nés à Paris, sous la marque italo-danoise Older, leurs uniformes de travail durables et inclusifs (du XXS au 6XL). Nous sommes en 2013, les deux jeunes gens fêtent à peine leur quart de siècle et sont déjà très pris par leurs activités respectives – elle est alors designer pour Isabel Marant et lui, enseignant à la Parsons School of Design – quand ils lancent leurs uniformes aux coupes minimalistes et élégantes.
Des pantalons droits unisexes, des chemises amples à col montant, des jupes trapèze à boutonnage asymétrique ou des robes tabliers taillés dans des tissus hydrofuges italiens (coton bio et polyester recyclé), eux-mêmes fabriqués en Europe et conçus pour durer, voire se bonifier avec le temps. Un pied de nez au secteur de la mode, obnubilé par la nouveauté : « Rien de tel qu’un objet patiné. Older, c’est un hommage à ce qui vieillit bien. Portées, salies et lavées pendant plusieurs années, nos tenues gardent la même qualité et finissent par devenir le prolongement de ceux qui les portent », estime Letizia Caramia.
Une décennie et un déménagement à Milan plus tard, le couple détient le quasi-monopole sur le marché de niche de l’uniforme durable et compte plus de trois cent cinquante clients. L’un des derniers en date est, à Paris, Datil, le premier restaurant de la cheffe Manon Fleury, dont la brigade, presque 100 % féminine, arbore de longs tabliers à bavette beiges sur des chemises blanches à col Mao pour les cuisiniers et à col asymétrique pour les serveurs.
Si elle s’adresse à divers corps de métier, la marque vise des établissements pensés dans le moindre détail. « Les restaurants avec lesquels nous travaillons portent la même attention au contenu de leurs assiettes qu’au design de chaque équipement. Cela concerne des tables gastronomiques, mais aussi de plus en plus de coffee shops, bars à vins, boulangeries, grands hôtels et même certaines cliniques privées », explique Morten Thuesen. Dans l’approche du duo, à mi-chemin entre la mode et le design, l’uniforme devient une architecture en mouvement. Consécration : depuis mi-décembre, le Maxxi, le musée national d’art contemporain de Rome, expose une partie de leur collection.
Source du contenu: www.lemonde.fr