Nicolas Di Felice, le designer qui a réveillé Courrèges

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Au centre du podium, le sol tendu d’une toile blanche se gonfle telle une poitrine qui se soulève. Sur la bande-son, des souffles se mêlent à un battement de cœur, une voix féminine murmure pendant que les mannequins, essentiellement vêtues de noir et de blanc, une main glissée dans une petite poche unique plaquée sur le bas du ventre, avan­cent. C’était en février, pendant la fashion week de Paris. Pour son défilé, parmi les plus courus de la semaine de la mode parisienne, Courrèges avait posé un grand cube blanc à l’intérieur du Carreau du Temple propulsant le public à l’intérieur d’une respiration géante. Cette scénographie a produit son petit effet. Sens du rythme, sensualité ­revendiquée et vision stylistique claire, tout concorde pour offrir en l’espace de dix minutes un concentré de mode pure.

François-Henri Pinault, PDG du groupe de luxe Kering, applaudit chaudement. Il ne rate pas un show de la marque. Depuis 2018, Courrèges appartient à Artemis, la holding de la famille Pinault, et, contrairement aux labels phares du groupe – Gucci, Saint Laurent ou Balenciaga –, la marque annonce avoir doublé ses ventes en 2023. Conséquence de ce succès : les ouvertures de boutique se multiplient. Après New York en 2022 et Séoul en 2023, trois nouveaux espaces de vente, conçus par l’architecte belge Bernard Dubois, ont été inaugurés cet été : l’un rue des Francs-Bourgeois, dans le Marais, à Paris ; un deuxième en Californie, à Costa Mesa, à 50 kilomètres au sud de Los Angeles, et le troisième en Corée du Sud, à Pusan, deuxième ville du pays.

Cette renaissance est signée Nicolas Di Felice. Nommé directeur artistique en septembre 2020, le styliste belge a réconcilié Courrèges avec la modernité, l’énergie sexy et l’audace que cette marque phare des années 1960 peinait à retrouver. Sous son impulsion, Courrèges s’offre enfin une seconde vie, après avoir enchaîné les déconvenues.

Technicien hors pair

En 2011, deux entrepreneurs, Jacques Bungert et Frédéric Torloting, rachètent la maison, alors en sommeil. Ils nomment à la tête du studio le duo créatif du label Coperni, Sébastien Meyer et Arnaud Vaillant, en 2015. Deux ans seulement (et cinq collections) après leur arrivée, leur départ est annoncé. La créatrice allemande Yolanda Zobel, ancienne de chez Jil Sander, prend le relais. Elle ne reste pas plus longtemps (elle signera quatre collections) : sa proposition peine à séduire et l’image de la marque en sort écornée.

Écouter aussi Nicolas di Felice : « Chez Courrèges, je veux faire des pièces qu’on ne jette pas »

Sur le site Vogue Runway, la journaliste Nicole Phelps parle alors de « dubious taste » (« goût douteux »), puis s’interroge : « Zobel a-t-elle une vision concernant l’avenir de cette marque au lourd héritage ? Si oui, le défilé de ce soir n’a encore pas permis de la clarifier. » En septembre 2018, Courrèges change de mains : Artemis, jusqu’alors actionnaire minoritaire, à hauteur de 30 % depuis 2015, en acquiert la totalité.

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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