Véronique Zbinden : « La spiritualité influence de plus en plus de grands chefs à travers le monde »

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Journaliste indépendante suisse spécialisée dans l’alimentation et la gastronomie, Véronique Zbinden a publié Cuisine et spiritualité. Récits de chefs, moines, cueilleuses et bouddhistes zen (Stock, 2023). Un ouvrage dense et fouillé dans lequel elle explore les liens qui se tissent actuellement entre le monde de la spiritualité et celui de la haute cuisine.

Votre livre est le fruit d’une enquête au long cours, faite de voyages, de recherches et d’entretiens, qui s’étale sur plusieurs années. Quel a été le point de départ ?

Tout a commencé par ma rencontre avec Jeong Kwan dans le cadre d’un salon gastronomique, organisé à Turin. Jeong Kwan est une moniale de l’ordre Jogye, la branche la plus importante du bouddhisme zen coréen. Elle pratique ce que l’on appelle « la cuisine des temples », une forme de médecine holistique dans laquelle chaque ingrédient est censé exercer une influence spécifique sur le corps et sur l’esprit, en plus d’apporter un effet thérapeutique – énergisant ou apaisant – à celui ou celle qui le mange. J’ai eu un vrai déclic et j’ai voulu partir expérimenter sa cuisine dans son monastère, en Corée du Sud, où elle vit recluse. J’ai été marquée par son approche spirituelle de la nourriture, que je voyais comme une quête d’authenticité, qui influence de plus en plus de chefs à travers le monde.

Au fil de vos reportages, vous brossez le portrait de ces chefs occidentaux qui placent désormais la spiritualité au centre de leur démarche culinaire. De qui s’agit-il ?

Je me suis d’abord intéressée à Eric Ripert, ce chef franco-américain triplement étoilé à la tête du Bernardin, à New York. Il fut le premier à inviter Jeong Kwan dans les cuisines de son restaurant et à s’inspirer de sa philosophie. Je consacre également un chapitre à Daniel Humm, qui a été largement influencé par la shojin ryori, la cuisine des temples japonais, au moment d’effectuer la mue de son restaurant gastronomique de Manhattan, le Eleven Madison Park – désormais exclusivement tourné vers le végétal. En Suisse, je raconte le parcours de Judith Baumann, pionnière de la cuisine des plantes sauvages, empreinte de spiritualité taoïste. En France, je cite Alain Ducasse, qui s’est lui aussi inspiré de la cuisine shojin ryori pour mettre au point son concept de « naturalité ». Ou encore Pascal Barbot, qui, à la veille de la réouverture de son restaurant parisien, Astrance, est récemment allé se ressourcer en Corée du Sud auprès de la Vénérable Wookwan, personnalité éminente du bouddhisme coréen. Tous ont en commun cette recherche de sens qu’ils trouvent dans des spiritualités très anciennes.

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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