Vous aimez Turner, vous aimerez Londres

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La capitale britannique a parfois des airs de tableaux de William Turner (1775-1851) avec ses cieux chargés, son vent maritime et ses lumières changeantes. Les amoureux du peintre mettront le cap sur la Tate Britain, bel édifice néoclassique qui abrite une exceptionnelle collection de ses toiles. Le visiteur est accueilli par l’autoportrait du jeune Turner, avec son regard déterminé, comme sur les billets de 20 livres. Il est ensuite attiré par ces pêcheurs en mer, la nuit, sous la lune, vulnérables sur les flots agités près de récifs acérés. Plus loin, ce sont les armées de Carthage en difficulté, alors qu’Hannibal franchit les Alpes. Les montagnes semblent animées des mêmes soubresauts que les océans. Peintre du déluge en 1805, Turner campe un homme noir qui porte secours à une femme blanche en difficulté, « signe peut-être de ses convictions antiesclavagistes », souligne Amy Concannon, conservatrice à la Tate. Cette dernière compare Un matin glacé, peint en 1813, à un tableau réaliste « de Jean-François Millet », pourtant de la génération suivante, avec ses voyageurs arrêtés pendant que l’on dégage le chemin pour leur permettre de continuer leur route.

Turner l’a peint « les yeux ouverts », déclara Monet avec admiration. Ailleurs, Turner rend compte de la bataille de Trafalgar dans un extraordinaire grand format encombré de vaisseaux, où l’on aperçoit l’amiral Nelson blessé, tout petit, sous la mitraille des Français – finalement défaits. Attentif aux évolutions de son temps, il s’intéresse aux pêcheurs à la baleine, à l’arrivée du train ou aux bateaux à vapeur qui remplacent les voiliers, comme en témoigne Le Dernier Voyage du Téméraire (1838), conservé, lui, à la National Gallery.

Mais les tableaux les plus célèbres de Turner, ce sont peut-être ceux où la figure se perd. Exposés au MoMA de New York en 1966, ils relancèrent l’intérêt pour son œuvre. Dans une salle de la Tate, ils éclatent en pleine lumière. L’œil est baigné de ces ors diffractés, de ces étoilements de pure beauté. « On a beaucoup dit que ces tableaux sont modernes, qu’ils annoncent l’impressionnisme. Mais ils sont en réalité inachevés », rappelle la conservatrice. L’un des plus fameux, Château de Norham, lever de soleil (vers 1845), diffuse une lueur éthérée, rayonnante et apaisante. Une vache orangée stylisée boit l’eau d’une rivière devant la montagne bleue et l’immense soleil jaune. Ces vibrations sont à rapprocher des œuvres de Rothko, actuellement montrées en majesté à la Fondation Louis Vuitton, à Paris. A la Tate, au côté des Turner, un Rothko jaune de 1950 est justement exposé. A un siècle de distance, l’association fonctionne.

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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