100% création vous propose une série spéciale, en 9 épisodes, « Les rebâtisseurs de Notre-Dame ». Cinq ans après l’incendie de Notre-Dame de Paris, nous vous proposons de partir à la rencontre des compagnons, artisans d’art ou designers qui ont travaillé sur cette rénovation et sur ce chantier emblématique. Pour ce premier épisode, nous vous faisons découvrir les secrets du métier d’échafaudeur avec Didier Cuiset, directeur d’Europe Échafaudage et Mehdi Porcq, conducteur de travaux de la même société.
À Notre-Dame, les échafaudeurs ont monté et démonté des centaines de tonnes d’échafaudages nécessaires à sa reconstruction.
Quand nous avons vu tout ce qui s’est écroulé, au niveau des voûtes et même des murs qui partaient et que nous voyions notre échafaudage encore debout, cela a été une grande satisfaction.
Mehdi Porcq, conducteur de travaux Europe Échafaudage
Certaines personnes comme des ingénieurs ou autres disaient que si cet échafaudage-là était tombé, la cathédrale aussi ! Quelque part, tout cet échafaudage remplaçait le poids de la couverture de la charpente et tenait le tout. Donc, l’échafaudage là serait tombé, les murs, tout serait parti avec.
Didier Cuiset, directeur d’Europe Échafaudage.
Né à Metz, en Moselle, dans l’est de la France, Didier Cuiset, a gravi les échelons pendant 40 ans. D’aide-monteur à directeur, aujourd’hui, d’Europe Échafaudage, son parcours illustre l’évolution professionnelle à travers des savoir-faire spécifiques. L’importance du courage, de l’aptitude physique et d’un certain goût pour l’assemblage sont des éléments de sa réussite.
L’échafaudeur, un métier souvent méconnu et sous-estimé, se révèle être un pilier de la reconstruction du chantier de Notre-Dame de Paris. À la tête d’une équipe d’une quarantaine d’experts en échafaudage, Didier Cuiset raconte les défis, les découvertes et l’importance humaine qui ont marqué cette incroyable aventure. « Moi, je suis arrivé le soir de l’incendie. Le lendemain matin, nous rentrions à l’intérieur de la cathédrale avec l’architecte en chef, Mr. Villeneuve, les pompiers, afin d’examiner tout de suite ce qui se passait. Moi, j’avais en tête d’aller vers l’échafaudage pour essayer de constater et de voir ce qui se passait. Pour vous dire l’urgence, nous avons dû fretter [consolider] le mur du pignon nord la nuit, puis nous avons recommencé la nuit suivante. Il fallait urgemment tenir ce pignon-là pour ne pas qu’il tombe. J’ai dû aller me coucher au bout de 64 heures. »
« Il y avait l’histoire de l’échafaudage incendié et j’ai réagi sous l’adrénaline. Je ne sais pas. J’ai demandé à mes gars qui voulait me suivre là-haut pour aller renforcer les pieds de l’échafaudage pour qu’il ne s’écroule pas. Personne n’a posé de question. Ils ont tous suivi. Nous avons renforcé tout cet échafaudage pour qu’il ne tombe pas. Ensuite, nous avons mis des capteurs pour le surveiller. Il faut quand même se rendre compte que l’incendie a touché du bois. Il n’a fait aucun mort, aucun blessé, donc, ce n’était pas le moment d’aller faire un blessé chez nous ou chez les autres ou qu’il se passe quelque chose après. »
Pour Didier Cuiset, l’échafaudage est un art technique et éphémère. Un échafaudage bien conçu est un véritable mécano qui, avec soin, habille les monuments sans les défigurer. « Un échafaudage, ce n’est pas un tas de ferraille. Peu importe le monument que vous faites, il faut aussi lui donner de l’allure, du style et de la classe. Ne pas hésiter des fois à faire ajouter des poteaux pour justement qu’il ait sa belle forme. C’est comme Notre-Dame, j’ai toujours dit, l’échafaudage autour de la flèche, nous n’avons plus qu’à lui mettre du filet et puis nous aurons fait le voile de la mariée. Il faut que cela s’équipe, mais il faut que ce soit beau à l’œil aussi. Nous sommes là pour embellir. Rendez-vous compte, les touristes, et tous les citoyens vont déjà être privés de ce monument-là pendant un moment donné. Si en plus, nous leur faisons un tas de ferraille comme cela devant ! Non, il faut que ce soit utile et beau. »
Pour Mehdi Porcq, conducteur de travaux, le premier défi à relever a été celui de démonter l’échafaudage brûlé. Un processus délicat avec la rigueur de protocoles précis, mené en collaboration avec tous les acteurs présents sur le chantier, des pompiers aux architectes. L’urgence les a unis avec un objectif commun : préserver Notre-Dame et lui redonner vie. Mehdi Porcq : « J’étais encore chef de chantier à l’époque, je me suis surtout occupé du démontage de l’échafaudage incendié, avec trois nacelles qui étaient disposées autour de la cathédrale, des nacelles de 90 mètres avec un bras articulé qui nous permettait d’aller dans le cœur de l’échafaudage incendié. À partir de là, nous pouvions démonter avec un marteau. Moi, j’étais là avant l’incendie pour monter la flèche. La semaine où cela est arrivé, je n’étais pas à Notre-Dame, j’étais sur un autre chantier. J’ai été rappelé en renfort pour revenir faire des travaux d’urgence. Moi, mes collègues m’ont appelé tous en panique, je pensais à une blague, au départ, très honnêtement. J’allume la télé. Quand j’ai vu l’incendie à la télé, non, ce n’était pas une blague. Tout ce que nous avions fait avant, c’est parti en fumée. C’était dur, compliqué. Bon après, nous nous sommes tous remis au travail, nous avançons tous ensemble. Nous allons finir ce que nous avons commencé. »
Sur le chantier, les équipes ne comptent pas leurs efforts. Deux mille tonnes de matériel ont été installées pour restaurer et étayer les voûtes de la cathédrale après l’incendie qui a ravagé son toit. Forts de leur méthodologie rigoureuse, les échafaudeurs assurent à la fois la sécurité des hommes et des femmes ainsi que celle du monument. Didier Cuiset : « Pendant que nous démontions l’échafaudage incendié, personne ne le voyait, mais nous avions déjà des équipes à l’intérieur qui montaient à l’intérieur puisqu’il y avait un risque d’éboulement des voûtes. Nous étions en même temps sur l’échafaudage incendié et en même temps sur l’éboulement des voûtes, et en même temps, sur les tours d’accès extérieur pour mener à l’intérieur, donc une multitude d’échafaudages. À un moment donné, entre les intérieurs et les extérieurs, nous devions être entre 3 000 et 3 500 tonnes de matériel. Vous divisez à peu près par dix kilos, vous avez 350 000 pièces qui ont été assemblées. Sachant que nous, ce que nous assemblons, nous devons le désassembler. Une charpente ou une couverture, cela reste, nous, nous démontons l’échafaudage. C’est de l’art éphémère. »
Travailler à Notre-Dame est à la fois un honneur et un poids, selon Didier Cuiset. Malgré les défis et les épreuves, la motivation a toujours été présente, synonyme de fierté. Didier Cuiset : « Notre-Dame, pour moi personnellement, il y a eu les dégâts de l’incendie bien sûr, mais qui ont été minimes encore, je trouve. Parce que vous savez, quand vous rentrez dans la cathédrale le lendemain et vous regardez tout, vous vous dites, beaucoup de choses ne sont pas touchées, oui, il y a un tas de boue au milieu, sur le sol, il y a la voûte, mais franchement, il n’y a rien d’autre de touché. C’était quand même incroyable ! Il faut quand même savoir que la cathédrale était très abîmée avant l’incendie. On le sait, puisque nous montions là-haut. Vous aviez des arcs-boutants et les pierres qui tombaient, elles étaient très abîmées. Forcément, il va y avoir de l’échafaudage à l’extérieur, cela va être pour faire des travaux et continuer les travaux qui n’étaient pas du tout dus à l’incendie. La cathédrale sera encore plus magnifique. »
« C’est un chantier hors normes. Côté humain, côté technique. Il faut bien se dire que techniquement, quand nous nous implantons au niveau zéro, il ne faut pas qu’il y ait un de ces poteaux qui aille taper un bout de charpente. Car le poteau qui gêne est 27 mètres plus bas ! Il n’y a donc plus de possibilité de démonter. Au fur et à mesure, nous montions pour pratiquement dix mètres de haut devant les charpentiers. Donc, vous avez un échafaudage vide sur dix mètres de haut. Et le soir, les charpentiers venaient avec les bois pour les assembler à l’intérieur des échafaudages, c’est comme un cocon autour d’eux, pour qu’ils puissent travailler dedans. Le métier d’échafaudeur, pour moi, ne partira jamais parce qu’on aura toujours besoin d’échafaudeurs et je suis content de participer à des choses qui permettent de refaire nos monuments, de les restaurer pour qu’ils soient présents encore pour les générations futures. Nous, nous en avons profité et je veux qu’ils en profitent aussi. »
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