Depuis plusieurs mois, les manifestations en soutien à la Palestine se multiplient partout en France. Chaque samedi, ils sont des milliers à Paris. Dans le cortège, il y a les habitués, mobilisés depuis des années, ceux qui manifestent depuis la riposte israélienne après le 7 octobre, et ceux qui viennent la première fois, à force de voir les horreurs de la guerre sur les réseaux sociaux.
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« Libérez la Palestine » résonne dans le cortège. Un peu en dehors de la foule, Selma et Hannane ont une démarche hésitante. Elles ne brandissent pas de drapeaux palestiniens, mais s’approchent du camion qui mène la danse pour récupérer quelques stickers « Free Palestine ». Hannane, la grande sœur, en colle un sur son pantalon, au niveau de la cuisse. Sa petite sœur de 13 ans la regarde, l’air un peu surprise.
L’une a 23 ans et vient régulièrement : « Si je ne viens pas, je ne me sens pas bien. C’est important de se soulever face à ce qu’il se passe ! » L’autre vient pour la toute première fois, initiée à la manifestation par sa grande sœur : « On m’a dit que je pouvais recevoir des choses dans les yeux, j’avais un peu peur au début ». « Je l’ai préparée, je lui ai donné quelques conseils et elle a du produit en cas de diffusion de gaz lacrymogène. Je lui ai aussi donné des points de rendez-vous si on se perd. De toute façon, on ne va pas rester longtemps », répond sa grande sœur.
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D’abord les réseaux sociaux
Selma n’a pas l’habitude, « je n’ai jamais participé à aucune manifestation », mais sourit rien qu’à l’idée de pouvoir comprendre un peu plus le conflit : « C’est important de poser des questions, je pense ». Comme elle, ils sont de plus en plus nombreux à rejoindre les cortèges pour la première fois. Notamment depuis les récents bombardements israéliens sur un camp de réfugiés à Rafah.
« Moi, je regardais sur les réseaux sociaux, et j’ai décidé qu’il fallait que je me soulève aussi, parce que ce qu’il se passe, c’est le combat de ma jeunesse, c’est un peu mon Mai 68 à moi », lance Élodie, 17 ans. Elle motive un camarade de classe, et ensemble, ils se retrouvent place de la République. « Je ne connais peut-être pas tout au conflit, mais justement, je viens aussi pour échanger avec ceux qui en savent davantage que moi, et puis de toute façon, on n’est pas obligé de tout savoir pour s’indigner quand tous ces civils sont tués », poursuit la jeune femme.
« Qui je suis pour dire “on libère la Palestine” » ?
Le sentiment de ne pas être légitime. C’est souvent ce qui freine certains jeunes à battre le pavé. Récemment, sur certains plateaux télé, il a été reproché à la jeunesse de ne pas savoir pourquoi ils manifestaient. Notamment avec l’utilisation des mains rouges de Ramallah lors de rassemblements étudiants.
Pour Morgane, étudiante en master d’anglais, il y a d’abord eu l’hésitation : « J’ai eu une enfance classique, je n’ai jamais eu à me demander si ma maison allait être bombardée, alors qui je suis pour dire “on libère la Palestine ?” » Puis il y a eu les partages massifs de soutien à la Palestine. Particulièrement ce « All eyes on Rafah » partagé près de 50 millions de fois sur Instagram cette semaine. Et pour Morgane : « Si on vient à plusieurs, on ose beaucoup plus, et on se lance ». À côté d’elle, son amie Marion, elle aussi étudiante en master d’anglais : « C’est bien les réseaux sociaux, mais on se sent un peu seul face à notre écran. Venir ici, c’est différent. On est au milieu de tout le monde, et là, on se sent légitime à parler ». Impossible de chiffrer le nombre de primo-manifestants, ceux qui viennent pour la première fois. Mais dans le cortège, en seulement quelques minutes, à la question « vous venez souvent », ils étaient nombreux à répondre, parfois l’air un peu gêné : « C’est la toute première fois que je viens ».
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