Médecine spatiale : des médecins et chercheurs nancéiens testent un massage cardiaque automatique pour les astronautes.
Une équipe de chercheurs nancéiens travaille actuellement sur la faisabilité du massage cardiaque en impesanteur. Des expérimentations en situation réelle vont avoir lieu du 25 au 29 mars à l’aéroport de Bordeaux, en lien avec le CNES (Centre National d’Études Spatiales).
Pourquoi tester les protocoles médicaux d’urgence dans l’environnement spatial ?
Les principales agences spatiales internationales prévoient dans les années à venir des projets spatiaux ambitieux avec de longues durées de mission, inédites jusqu’alors pour des vols habités et exposant à de nouveaux risques. Dans ce contexte, il apparaît nécessaire de prévoir, codifier et optimiser des protocoles médicaux d’urgence pour pallier toute situation médicale aiguë dans l’environnement difficile et isolé d’un vaisseau spatial.
Lors d’un arrêt cardiaque, la survie repose essentiellement sur le massage cardiaque qui doit-être initié rapidement et de manière efficace afin de garantir le meilleur pronostic. Les méthodes terrestres, reposant sur le poids de l’opérateur pour délivrer la force de compression thoracique adéquate, sont inadaptées à une application au cours des missions spatiales en raison de l’impesanteur qui rend nul le poids du sauveteur. Des méthodes manuelles alternatives ont ainsi été développées, mais leur efficacité reste sous-optimale en regard des critères de qualité des sociétés savantes de réanimation.
Une équipe projet pluridisciplinaire
C’est dans ce contexte que Nathan Reynette, étudiant en médecine à Nancy et le Dr Mickael Lescroart, médecin réanimateur au CHRU de Nancy se sont intéressés à la problématique en 2021. Rapidement rejoints et soutenus par le Pr Bruno Chenuel, médecin du sport et professeur de physiologie et médecine aéronautique dans le laboratoire DevAH UR3450 de l’Université de Lorraine, ils ont d’abord réalisé une revue de la littérature et contacté le responsable médical de l’ISS à la NASA à propos de l’arrêt cardiaque lors d’une mission spatiale.
Des améliorations aux protocoles actuels
Cette collaboration a abouti à la publication d’un article scientifique dans la revue de la société américaine de médecine aérospatiale ; article dans lequel plusieurs améliorations aux protocoles actuels sont proposées à partir des recommandations récentes en réanimation sur Terre, parmi lesquelles l’utilisation de machines de massage cardiaque automatique. Ces machines sont utilisées couramment sur Terre et validées scientifiquement, en particulier pour la réanimation en environnement difficile (hélicoptère ou ambulance du SAMU par exemple), mais une seule étude non comparative a testé le concept en microgravité, ce qui est une preuve scientifique insuffisante pour une utilisation en conditions réelles.
Un vol parabolique dans un Airbus A310
L’équipe nancéienne doit donc apporter une preuve expérimentale de l’efficacité de ces machines : pour cela, ils ont candidaté à l’appel à projets du Centre National d’Études Spatiales (CNES) pour pouvoir tester l’expérience lors d’un vol parabolique. Les vols paraboliques du CNES ont pour but de recréer l’impesanteur dans un Airbus A310 modifié qui réalise des chutes libres à répétition. Pour mener à bien cette expérimentation, l’équipe s’est agrandie avec la participation de Luc Sagnières, étudiant en 6ᵉ année de médecine à Paris et docteur en génie mécanique, deBaptiste Sandoz ingénieur docteur en Biomécanique Humaine à l’ENSAM à Paris, du Dr Benjamin Pequignot, médecin réanimateur à Nancy, du Pr Stéphane Zuily médecin vasculaire et directeur médical du CUESIM1 situé à la faculté de Médecine, Maïeutique et métiers de la santé de Nancy, et du Pr Bruno Levy chef de service de la réanimation médicale au CHRU de Nancy.
Une collaboration pluridisciplinaire
Le projet ayant été accepté en 2023, l’équipe conceptualise actuellement le protocole expérimental. L’étude sera une évaluation multimodale, forte d’une collaboration pluridisciplinaire. En plus de la mesure de l’efficacité sur le plan médical, comparative entre trois machines et la méthode manuelle de référence, Baptiste Sandoz apporte une valence technique, permettant de mesurer l’impact de l’utilisation des machines sur l’intégrité de la structure d’un vaisseau spatial, tandis que Pr Zuily et toute l’équipe du CUESIM, spécialistes en apprentissage médical par la simulation, apportent un regard pédagogique sur le problème en proposant de créer et d’évaluer un protocole de formation à l’utilisation des machines de massage cardiaque à destination des astronautes.
Les expérimentations auront lieu du 25 au 29 mars 2024 avec l’entreprise NOVESPACE, filiale du CNES à l’aéroport de Bordeaux Mérignac.
Source du contenu: infodujour.fr