Interrogé sur une éventuelle entrée au Panthéon de celui qui a porté l’abolition de la peine de mort en 1981, le chef de l’État n’a pas dit non.
Envoyé spécial à Bordeaux
Emmanuel Macron a appris la mort de Robert Badinter en entamant un déplacement à Bordeaux consacré… à la justice. «C’est une coïncidence assez marquante», relevait un conseiller élyséen juste après l’annonce du décès de l’ancien garde des Sceaux. Le président de la République venait assister à la prestation de serment des auditeurs de l’École nationale de la magistrature (ENM), située dans la capitale du vin. Il lui a rendu hommage en ouvrant son discours aux plus de 450 futurs magistrats en robe noire, la plus grande promotion de l’histoire de l’école fondée en 1958, comme l’a souligné le chef de l’État. «Ce jour dont vous vous souviendrez toute votre vie sera à jamais marqué par l’empreinte de cet avocat de caractère et de profession, qui combattit sa vie durant pour les Lumières, pour la justice, pour la France, qui étaient pour lui trois fois le nom de son idéal», a-t-il déclaré.
Un peu plus tôt, sur le réseau X, le chef de l’État a salué «une figure du siècle, une conscience républicaine, l’esprit français». «La nation a perdu à coup sûr un grand homme, un très grand avocat» et «un sage au-delà de ses fonctions, qui a toujours permis d’éclairer les décisions les plus délicates», a-t-il complété après sa visite du commissariat central de Bordeaux. Interrogé plus tard par la presse sur une éventuelle entrée au Panthéon de celui qui a porté l’abolition de la peine de mort en 1981, Emmanuel Macron n’a pas dit non. «J’aurai l’occasion de m’exprimer lors de l’hommage», a-t-il glissé, après avoir échangé avec les auditeurs de l’ENM, tout en notant que «ces choses-là prennent du temps».
«L’abolition universelle»de la peine de mort
En 2021, Emmanuel Macron avait commémoré les 40 ans de l’abolition de la peine de mort lors d’une cérémonie au Panthéon, en présence de Robert Badinter. Les deux hommes avaient alors lancé un appel à «l’abolition universelle» de la peine de mort. Sous la prestigieuse coupole, le nonagénaire avait affirmé que «la peine de mort est vouée à disparaître dans le monde, car elle est une honte pour l’humanité». «En France et en Europe, des voix que l’on croyait étouffées ressortent des tréfonds de l’histoire pour appeler au rétablissement» de la peine capitale, avait de son côté déploré Emmanuel Macron.
Là où Robert Badinter avait consacré une grande partie de sa vie publique à plaider pour de grands principes, Emmanuel Macron s’attache plutôt, depuis qu’il est au pouvoir, à tenter d’améliorer l’efficacité de la justice au quotidien. Avant la prestation de serment des auditeurs de l’ENM, il a entendu les plus hauts magistrats bordelais le remercier pour l’effort budgétaire considérable engagé pour la justice. Du miel à ses oreilles, lui qui vante une hausse de ces moyens de 60 % entre 2017 et 2027. La première présidente de la cour d’appel de Bordeaux a également admis la «défiance» des Français vis-à-vis de l’institution judiciaire.
Emmanuel Macron a pour sa part prononcé un discours en forme de commande ferme: «Nous devons diviser les délais de notre justice par deux d’ici à 2027. Ce n’est pas un objectif, c’est un impératif.» Devant quelques journalistes, il a ensuite pointé «le décalage entre le temps médiatique et le temps de l’action publique». «Là où le fait divers, en quelque sorte, imprime un rythme qui va avec le temps médiatique, parce qu’il y a une réaction, de l’émotion, la réponse en profondeur prend du temps.» Et d’ajouter que «depuis 2017, on a posé les jalons, investi beaucoup d’argent, on a changé les lois». Même si les «résultats» sont «si loin du fait générateur», a-t-il rappelé.
Si bien que la haute idée de la justice défendue par Robert Badinter semble parfois abstraite et éloignée des Français.
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