Formation des pilotes ukrainiens en France, l’école de l’Alpha Jet

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Ils sont arrivés en France au début du mois d’avril. Les onze premiers apprentis pilotes de chasse ukrainiens ont pris leur quartier dans une base du sud-ouest de la France. Pour des raisons de sécurité, le lieu de cette formation est tenu secret, interdiction aussi de leur parler, mais pour la première fois quelques journalistes ont été autorisés à rencontrer ces pilotes ukrainiens.

Les moteurs des Alpha Jet rugissent sur le tarmac sur lequel plane une odeur de gomme brûlée et de kérosène. L’un après l’autre, les biplaces Alpha Jet sortent de leur alvéole pour s’engager sur la Taxiway… Le casque d’un élève pilote émerge du cockpit. L’élève occupe la place avant, derrière lui, un instructeur français, c’est d’ailleurs ce pilote chevronné qui fait le tour de l’avion avant le décollage : « Ça lui permet d’être plus concentré sur sa mission et je serai le commandant de bord, donc c’est moi qui prends en compte l’appareil et je vérifie que tout est conforme et aux normes pour le vol. »

Ces onze pilotes ukrainiens ne sont pas des novices. En Ukraine, ils avaient déjà volé une centaine d’heures sur un avion d’entraînement. Puis, ils ont suivi en Grande-Bretagne une formation initiale, au standard Otan, notamment pour se familiariser avec l’anglais, langue d’usage dans les cockpits occidentaux… Désormais, ils entrent dans le dur, sur Alpha Jet, avec une formation trois fois plus rapide qu’en temps normal, c’est une première, indique Franz, instructeur de l’armée de l’air : « C’est une première de former des pilotes de chasse d’un pays en guerre, oui. Former des pilotes de chasse, le travail reste exactement le même. On aura pris conscience, je pense, de la vitesse quand ils seront partis. En fait, là, on se rendra compte du travail effectué et finalement du peu de temps que ça aura duré. » 

Moins de six mois avant de rejoindre un escadron de transformation et de basculer sur avions F-16. En attendant, il faut aller à l’essentiel, et faire l’impasse sur quelques chapitres comme les vols solos et le ravitaillement en vol.

Il faut se concentrer sur le cœur de métier. Distance de l’objectif, coordonnées, altitude, vitesse… Un briefing est en cours en salle des opérations avec un instructeur pour chaque pilote. La mission du jour : bombardement simulé d’un stock de munitions. Une mission basique, indique Benjamin, instructeur : « On a un stagiaire qui est arrivé presque à la moitié de sa formation, et après avoir effectué pas mal de missions en basse altitude standard, c’est-à-dire vraiment des missions de navigation par apprendre à ne pas se perdre, on bascule maintenant sur une formation plus tactique. Une situation tactique relativement simple avec une ligne matérialisée ennemie/ami, des sites de défense sol/air, des choses de ce type. Et donc on les forme petit à petit, a des situations de plus en plus complexes pour les amener au niveau qui sera donc celui d’effectuer ce même type de mission, mais sur avion de type F-16. »


Les Alpha Jet sur le tarmac s’une base militaire française accueillant les stagiaires ukrainiens. © Franck Alexandre / RFI

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Vingt-six pilotes au total seront formés en France

Quarante appareils F-16 ont été cédés à l’Ukraine, ces onze pilotes en formation seront donc le pivot de la nouvelle armée de l’air ukrainienne.

« Ce sont des pilotes très jeunes », souligne l’instructeur Benjamin, « Ils ont tous entre 21 et 23 ans. Ce sont de vraies éponges, particulièrement motivées en plus, donc ils sont très à l’écoute. Ils en veulent. On adapte leur formation, comme vous pouvez le voir, nous n’avons quasiment que des instructeurs très expérimentés. On a tous à peu près 20 ans d’ancienneté en tant que pilotes de chasse dans nos forces armées. Mais cela reste un défi que l’on relève ensemble avec nos stagiaires ukrainiens, que l’on assiste énormément. On les accompagne dans leur démarche de progression. Et donc on pose véritablement ce vernis aux méthodes occidentales. La base, c’est l’apprentissage de l’autonomie, c’est ce qu’on cherche à leur faire découvrir ici. Les méthodes russes, auxquelles les pilotes ukrainiens étaient habitués jusque-là, sont assez peu autonomes, ces méthodes russes sont beaucoup basées sur des informations du sol. Dans les méthodes occidentales, les pilotes dépendant moins du contrôle au sol et sont beaucoup plus autonomes ».

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L’autonomie, le maître mot du pilotage

L’autonomie exige de maîtriser les bases du pilotage et même si la formation se déroule en mode accéléré, les fondamentaux sont enseignés avec rigueur insiste l’instructeur Franz, « Ici, on va leur donner toutes les bases, à savoir appliquer des procédures, évoluer dans une situation tactique, savoir réagir quand on a une panne, savoir réagir face à de la mauvaise météo. L’idée, c’est qu’ils aient appris un maximum de choses pour avoir que de spécifiques F-16 ou Mirage quand ils seront dans un escadron de transformation, parce que par la suite, ils iront sur un avion biplace comme ici avec toujours un instructeur classe arrière le temps de savoir maîtriser ce nouvel avion. Donc, ils auront ici toutes les bases et l’habitude de parler avec un instructeur qui est derrière, qui a toutes les commandes comme dans une auto-école. »

La France va former 26 pilotes au total et cette première promotion devrait connaître le baptême du feu dès l’automne prochain. Les stagiaires vont donc se succéder sur cette base. Seule base française à disposer d’un escadron d’Alpha Jet. Jusqu’en 2019, les pilotes belges et également français venaient s’y former. L’escadron devait être dissous, la guerre en Ukraine a bouleversé le calendrier. La base s’est révélée être l’outil le plus adapté à la formation des pilotes ukrainiens, précise l’instructeur Benjamin : « Durant ces 20 dernières années, nous avons formé des pilotes de chasse français et belges. Pour les pilotes français, certains étaient envoyés sur Mirage 2000. Les pilotes belges étaient envoyés sur F-16. La formation était strictement la même. Au final, le cadre otanien dans lequel nous opérons en tant que pilotes de chasse et le même. Quelle que soit la nationalité que l’on vole sur une machine française, elle sera toujours typée occidentale. Si c’est sur un F-16, le fonctionnement sera sensiblement le même, c’est-à-dire que les méthodes tactiques appliquées seront exactement les mêmes. Donc notre formation est tout à fait polyvalente et couvre l’ensemble du spectre des avions sur lesquels nos stagiaires seront susceptibles de voler. »

Un pilote ukrainien aux commandes d’un Alpha Jet français.
Un pilote ukrainien aux commandes d’un Alpha Jet français. © Franck Alexandre / RFI

 

Après leur passage dans l’Hexagone, les pilotes stagiaires ukrainiens pourront donc basculer, sans difficulté, soit sur F-16, soit sur Mirage 2000-5, appareils bientôt cédés par la France. D’ici là, l’apprentissage se poursuit à un rythme d’enfer, journées à rallonge et peu de repos et nécessairement des liens solides se nouent avec les instructeurs français, mais on ne parle pas de la guerre, dit Franz, officier de l’armée de l’air : « On évoque rarement le conflit ukrainien parce que je pense qu’ils n’ont pas besoin qu’on le leur rappelle au quotidien, donc on reste dans le professionnalisme, dans l’instruction. On leur dit voilà ça, il faut savoir le faire sur F-16. Ça fonctionne comme ça, donc c’est bien d’apprendre tout de suite cette procédure, et cetera. Donc, on parle néanmoins de comment se battre, comment faire la guerre. On leur donne des objectifs simulés. On leur dit alors aujourd’hui, on va prendre cet objectif, on va dire que c’est un dépôt de munitions et le but, c’est d’aller le détruire, donc on a des allusions à la guerre. Mais on ne parle pas au quotidien du conflit. Ça doit être déjà assez difficile pour eux. Donc, on ne parle pas de ça avec eux. » 

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Source du contenu: www.rfi.fr

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