Guerre d’Algérie: un rapport pour dénoncer les chaînes de responsabilités dans l’usage de la torture

Share

La France doit reconnaître sa responsabilité dans la torture pendant la guerre d’Algérie (1954-1962), ont demandé lundi 4 mars une vingtaine d’associations. Fin 2022, l’Élysée avait reconnu qu’« il en est qui, mandatés par le gouvernement, se sont placés hors de la République. Cette minorité de combattants a répandu la terreur, perpétré la torture ». Un acte « important, courageux » mais « incomplet » plaident ces associations, qui souhaitent que soient explorées les chaînes de responsabilité qui ont permis d’institutionnaliser la torture.

Publié le : Modifié le :

3 mn

Faits, rapports et témoignages d’officiels, appelés ou citoyens à l’appui, les associations — parmi lesquelles des associations d’anciens combattants comme les Anciens appelés en Algérie et leurs amis contre la guerre ou la Ligue des droits de l’homme — estiment que « la torture comme système de guerre a été théorisée, enseignée, pratiquée, couverte et exportée par les gouvernements français, ce qui engage pleinement la responsabilité de l’État ».

« Notre demande citoyenne est de comprendre les dysfonctionnements dans la chaîne de décisions et de commandement au sein des institutions politiques, militaires, administratives et judiciaires de l’État qui ont permis ce passage de l’emploi de la torture de la théorie à la pratique », explique au micro de Laura Martel de RFI, Nils Andersson, le président d’Agir contre le colonialisme aujourd’hui (ACCA).

 Les associations en veulent pour preuve que la torture était « enseignée dès 1955 » dans les principales écoles militaires comme Saint-Cyr et que ceux qui s’y sont opposés durant la guerre d’Algérie ont été « condamnés ». Dès 1958, le communiste Henri Alleg témoigne des tortures qu’il a subies de la part de l’armée française, dans un livre choc aussitôt interdit, La Question. Plus de quatre décennies plus tard, le général Paul Aussaresses avouera avoir pratiqué la torture.

Il ne s’agit « ni de juger ni de condamner, mais de regarder l’histoire en face », soulignent les demandeurs, pour qui cette reconnaissance par la France « ne serait pas un acte de contrition, mais de confiance dans les valeurs de la nation ».

À écouter aussi aussiMémoires de la guerre d’Algérie: silences et non-dits dans les familles

Un regard sur le passé nécessaire au présent, ajoute Gilles Manceron, historien spécialiste de l’histoire coloniale et vice-président de l’Association Josette et Maurice Audin. « Ce n’est pas seulement une affaire d’historiens, c’est aussi un enjeu pour le présent car si des choses ont été possibles, parfaitement contraires aux droits de l’homme, des choses analogues peuvent – éventuellement – advenir si on ne fait pas ce travail. Le discours des droits de l’homme auquel la France fait référence, est-ce que c’est une allusion vide de sens ou une référence pleine et entière ? Pour être crédible, il faut que la France fasse un travail en ce domaine. »

À lire aussiMort de Maurice Audin: comment Macron en est arrivé au mea culpa de la France

ONG et associations, qui déplorent ne pas avoir été reçues par l’Elysée, ont publié des dizaines de témoignages de personnes torturées pendant la guerre qui a mené à l’indépendance de l’Algérie. Elles ont transmis un dossier argumenté à l’Elysée, tout en déplorant ne pas avoir été reçues. 

Depuis 2022, Paris et Alger multiplient les efforts pour reconstruire une relation plus apaisée, en déminant progressivement les sujets de la colonisation et de la guerre d’Algérie. Une commission d’historiens français et algériens a notamment été créée par les chefs des deux États la même année pour « mieux se comprendre et réconcilier les mémoires blessées », avait alors souligné l’Élysée.

(et avec AFP)

Source du contenu: www.rfi.fr

Dernières nouvelles

Dernières nouvelles