Insincère en 2024, le projet de budget pour 2025 est-il réaliste ?

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Point-de-vue. L’ancien secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert, a du mal à croire que Michel Barnier va pouvoir réaliser 60 milliards de réduction du déficit avec 40 milliards d’économies et 20 milliards de recettes nouvelles. Il explique ici pourquoi.

Christian Eckert, ancien secrétaire d’État au Budget (DR)

Par Christian Eckert

Les débats vont bon train sur les questions budgétaires. Je ne me suis pas exprimé sur le sujet depuis longtemps, mais : de 2012 à 2017, deux ans Rapporteur Général du Budget à la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale (le poste occupé aujourd’hui par Charles de Courson) puis trois ans secrétaire d’État en charge du Budget et des Comptes Publics au sein du Gouvernement, j’ose ici quelques réflexions personnelles sur la situation financière de notre pays.

Préparé en mars, voté en décembre

La première réflexion consiste à affirmer qu’en ce domaine, contrairement aux idées reçues, il faut faire preuve d’humilité. L’exercice (en temps normal) commande de préparer de mars à juillet la version finalisée, à l’automne, du budget de l’année suivante (!), voté fin décembre par le Parlement. C’est dire qu’on travaille sur un exercice qui débutera 6 mois après les premiers travaux et durera ensuite encore 12 longs mois. Sans compter que les recettes et les dépenses futures dépendent des hypothèses faites sur de nombreux paramètres comme la croissance, l’inflation, la masse salariale, le cours du pétrole, celui de l’Euro, le taux de chômage, les naissances et les décès… On sait aussi qu’en cours de l’année à venir peuvent survenir des événements majeurs allant des crises sanitaires aux événements climatiques en passant par les conflits armés, voire les chamboulements géopolitiques en France comme dans le monde.

Un déficit de 4,4% du PIB

Ainsi, fin 2023, le Gouvernement de Monsieur Macron a fait adopter au Parlement (par l’utilisation du fameux article 49.3) une loi de finances pour 2024 prévoyant un déficit de 4.4% du PIB. Dès les premiers mois de 2024, les services de Bercy ont noté que l’exercice 2023 avait été plus mauvais que prévu et que la tendance pour 2024 s’écartait des chiffres votés en décembre. Aucune communication extérieure, aucun ajustement (pourtant possible par une loi de finances rectificative) … Mais on apprenait ces derniers jours que le déficit de 2024 atteindrait sans doute 6.1% du PIB, soit une dérive (le mot est faible) de plus de 50 Milliards d’Euros ! Pour expliquer cela, les « sortants accusent les collectivités locales d’avoir plus dépensé, et chargent l’administration de Bercy. Qui peut croire cela ? Pas moi…

L’écart est énorme

Fin 2016, j’avais présenté et le Parlement avait voté une loi de finances prévoyant 2.7% de déficit. Saisie en juin par le nouveau Gouvernement du Président Macron, la Cour des comptes avait prononcé le mot d’insincérité, car elle prévoyait un déficit de 3.2%, soit environ 12 Milliards d’Euros de dépassement. Il sera en fait constaté à 2.6% après l’exercice, grâce aussi, pour être honnête, à quelques corrections -habituelles en milieu d’année – du nouveau pouvoir issu de l’alternance. Cette fois, en 2024, l’écart est énorme et justifie entièrement le récent rapport « au vitriol » du Sénat. La Cour des comptes (dont l’ancien Premier Président Migaud est aujourd’hui Ministre de la Justice) est muette, alors que de tels écarts sont inédits et inexpliqués.

Des cadavres dans les placards

Mais maintenant que l’on en est là, quel regard porter sur la loi de finances pour 2025, préparée certes dans une urgence rare, portée par le nouveau Premier Ministre par ailleurs à l’évidence contrarié d’avoir trouvé de nombreux cadavres dans les placards de Bercy et Matignon ?

L’objectif de 60 Milliards de réduction du déficit en un seul exercice budgétaire est – c’est mon avis – inatteignable. Nous avions en 2014, construit un plan de 50 Milliards d’économie sur trois ans. Nous en avons réalisé environ 35… Cela a par ailleurs abouti à une raclée électorale que l’on a expliqué par d’autres sujets, mais dont je pense qu’elle est surtout la conséquence des économies faites sur les services publics et les fonctionnaires, la santé et l’hôpital public… On se souvient de certaines mesures fiscales impopulaires, mais qui se souvient qu’en matière d’impôts, nous avions intégré les revenus du capital (dividendes, plus-values, intérêts perçus…) dans l’assiette de l’impôt sur les revenus du travail ?

Des économies peu documentées

Michel Barnier, Premier ministre (GUENGL, CC BY-SA 2.0, via Wikimedia Commons)
Michel Barnier, Premier ministre ( GUENGL, CC BY-SA 2.0, via Wikimedia Commons)

Michel Barnier prétend faire 60 Milliards de réduction du déficit avec 40 Milliards d’économies et 20 Milliards de recettes nouvelles. J’observe que certaines mesures présentées comme des économies sont en fait des recettes nouvelles, et surtout que, comme on dit à Bercy, les économies évoquées sont « peu documentées ». Certes, on peut — et il faut — fusionner, voire supprimer quelques organismes ou agences. Mais qui peut croire que cela produira 1 Milliard d’économies…

Mon expérience, teintée de l’humilité évoquée au début, me fait dire que si la réduction du déficit atteint 25 Milliards d’Euros en 2025, Monsieur Barnier aura bien travaillé. Dans l’intérêt des finances françaises, je souhaite me tromper et vous donne rendez-vous début 2026 pour en juger.

Source du contenu: infodujour.fr

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