Cinq ans de prison et cinq ans d’inéligibilité avec exécution immédiate. Les réquisitions du parquet contre Marine Le Pen dans le cadre de l’affaire des assistants européens du Rassemblement national (RN) a suscité l’effroi au sein du parti d’extrême droite, mais pas seulement : plusieurs responsables politiques ont fait part de leur désapprobation face à la peine encourue par la triple candidate à la présidentielle. Des réactions qui témoignent notamment d’un malaise face aux lois de moralisation de la vie publique.
Parmi les réactions les plus fortes, celle de l’ancien ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin : Marine Le Pen « ne peut pas être condamnée électoralement, sans l’expression du peuple » juge le désormais simple député macroniste. Gérald Darmanin estime qu’empêcher la cheffe de file du Rassemblement national (RN) de participer à la présidentielle reviendrait à « creuser la différence entre les élites et l’immense majorité de nos concitoyens ».
Si tous ne l’affichent pas ouvertement, de nombreux élus s’inquiètent en effet de l’impact sur la population de la mise à l’écart de Marine Le Pen. Pour le leader Insoumis Jean-Luc Mélenchon, ne pas laisser Marine Le Pen aller au bout de ses recours avant de prononcer une peine d’inéligibilité, ce serait aggraver « la crise politique sans aucun avantage pour la société ». Pour faire simple, il craint que cela ne renforce au final le camp du RN. Une vision partagée par le politologue Benjamin Morel, pour qui une telle condamnation serait incompréhensible pour l’électorat de Marine Le Pen et ne lui ferait absolument pas perdre de voix.
Inquiétudes personnelles et arrière-pensées politiques
Pour Jean-Luc Mélenchon, qui estime être victime de « lawfare », c’est-à-dire d’un acharnement judiciaire politique, il est évidemment difficile de faire du deux poids deux mesures. Concernant Gérald Darmanin, c’est un peu plus compliqué. L’ancien premier flic de France veut capitaliser politiquement sur une fibre de droite, mais sociale, finalement assez proche de Marine Le Pen, qu’il avait d’ailleurs taxé de « mollesse » voilà quelques années. Or, le successeur putatif de la cheffe du RN, c’est Jordan Bardella qui lui creuse un sillon plus proche de celui d’Eric Zemmour : union des droites radicales et libéralisme économique. Gérald Darmanin pourrait donc en fait lorgner sur l’électorat lepéniste.
Bref, de la récupération, mais qui prospère sur un paradoxe, juge Benjamin Morel. Celui d’avoir des politiques jugeant excessives des lois de moralisation de la vie publique tout en dénonçant depuis des années un laxisme de la justice. Du populisme qui leur revient en pleine figure, conclut le politologue.
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