Le procès des « viols de Mazan », un procès monumental et emblématique de la culture du viol, ouvert le 2 septembre 2024 devant la Cour criminelle de Vaucluse, à Avignon, doit durer jusqu’à la mi-décembre. Des dizaines d’hommes sont jugés pour avoir violé Gisèle Pelicot, droguée et violée par son ex-mari pendant une dizaine d’années, lui aussi sur le banc des accusés. À la demande de la victime, le procès est public, « pour que la honte change de camp ». Au bout de six semaines de procès, la salle ne désemplit pas. Qui sont ces citoyens, surtout des citoyennes, qui viennent assister aux audiences ?
De notre correspondante à Avignon,
Il est 9h au tribunal d’Avignon, le public s’apprête à entrer en salle de retransmission pour assister aux audiences. Il y a seulement une soixantaine de places et ce sont parfois plus de cent personnes qui attendent. Alors pour être sûres d’entrer, certaines arrivent très tôt, comme Bernadette. Elle habite à Saran, à 25 km d’Avignon, elle est retraitée et se trouve dès 7h devant le tribunal. Une fois installée, elle ne sort pas pour déjeuner entre midi et 2 heures afin de pouvoir assister à la séance de l’après-midi.
Sur les six semaines de procès, Bernadette n’en a raté qu’une. Pourtant, elle n’est pas vraiment une habituée des tribunaux. « Le monde de la justice m’est inconnu, confie-t-elle, donc je me suis dit que ça allait me permettre de rentrer un petit peu dans ce monde. Et l’affaire a un retentissement mondial. Donc tout ça est très intéressant. »
Si certains sont attirés par le côté sensationnel du procès, Bernadette veut avant tout mieux comprendre les enjeux autour du viol. « J’ai été stupéfaite par l’orientation dès le premier jour des avocats de la défense, déplore-t-elle, il y avait, comment dire… une suspicion de la victime. Et ça, c’est incroyable ! »
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« En fait, toutes les femmes savent ce que sont les violences sexuelles, les agressions sexuelles, les viols »
Contrairement à des dizaines de personnes tous les soirs, Bernadette n’applaudit pas Gisèle Pelicot pour ne pas empiéter sur le travail de la justice. Anne, elle, a traversé le pays pour le faire et malgré son regard fuyant et ses bras croisés, elle est assez déterminée. Elle est venue spécialement d’Île-de-France pendant trois jours pour encourager la victime, mais pas seulement. « Je voulais aussi donner de l’importance à ce procès parce qu’on espère toutes que ça va faire évoluer la législation en ce qui concerne la définition du consentement et du viol. Beaucoup d’hommes sont dans le déni ou dans la minimisation de ce qu’ils ont fait et ce serait bien qu’ils prennent conscience de leurs actes. »
À l’extérieur des murs du tribunal, le collectif Les Amazones d’Avignon scande : « Violeurs, on vous voit, victimes, on vous croit ». « Pour nous, c’est important de mener des actions pour ces femmes, pour toutes les femmes victimes de violences sexuelles », explique Pascale, militante au sein du collectif. Pour elle, sa présence quasi quotidienne est indispensable, car ce procès ne concerne pas seulement Gisèle Pelicot. « L’impression que j’ai pour moi, mais aussi pour toutes les femmes qui font la queue, c’est qu’en fait, toutes les femmes savent ce que sont les violences sexuelles, les agressions sexuelles, les viols », constate-t-elle.
Et ce procès est un moyen de visibiliser ces violences. Demain, 7 h, Pascale sera donc de retour dans la queue et applaudira Gisèle Pelicot à son arrivée.
À écouter, dans notre podcast original «Bas les pattes!»8/10 Stéréotypes de genre et culture du viol dans les médias – Saison 2
Source du contenu: www.rfi.fr