S’interroger sur le poids de la viande dans nos habitudes alimentaires reste un sujet délicat. L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) en a fait l’expérience, à ses dépens. Mercredi 14 février, l’institut a publié un message sur X, relayant les travaux d’un chercheur en sciences de gestion, Arnaud Lamy. Pour sa thèse, soutenue en décembre 2023, le doctorant a étudié quelle place les chefs cuisiniers accordaient à la viande dans les restaurants. Le message de l’Inrae, publié à l’occasion de la Saint-Valentin, se voulait grand public, vulgarisant des travaux scientifiques et mettant à l’honneur les efforts de durabilité de la restauration.
« Pour la Saint-Valentin, vous avez prévu un restaurant en amoureux ?, y écrivait l’Inrae. Les cartes des restaurants sont un vrai sujet d’étude, puisqu’elles montrent comment les chefs cuisiniers appréhendent la cuisine saine et durable, où la viande laisse place au végétal. » Le message sur X renvoyait vers un article publié sur le site de l’institut, synthétisant les résultats de recherche de M. Lamy.
Mais le post enjoué a manqué sa cible et suscité un emballement négatif. « L’Inrae est devenu une ONG où des militants ont remplacé les scientifiques », s’insurge l’ancien député macroniste Jean-Baptiste Moreau, aujourd’hui consultant. Les syndicats Jeunes Agriculteurs d’Ile-de-France et la section francilienne de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) ont dénoncé, dans un communiqué, « un positionnement antiviande ». « Il n’est pas de la compétence d’un établissement public à caractère scientifique de produire ce type de contenu, fustigent les deux organisations. A la veille de l’ouverture du [Salon de l’agriculture, le samedi 24 février], il s’agit d’une réelle provocation. »
Quelques heures plus tard, le post a été supprimé, mais pas l’article sur le site de l’Inrae, qui, lui, reste accessible. De quoi nourrir d’autres craintes, de censure cette fois. L’institut de recherche dément cependant avoir cédé à des pressions extérieures. « Le post a été retiré, car le ton était maladroit et le texte réducteur par rapport à l’article scientifique qu’il relaie, indique l’Inrae. Nous n’avons pas reçu de demande de retrait, mais nous avons rapidement mesuré l’incompréhension au vu des réactions sur X. »
Attaques en légitimité
Pour l’institut, cet épisode montre les limites de la vulgarisation sur les réseaux sociaux. « Sur des sujets sociétaux complexes, la mise en avant d’un article, fût-il issu d’un travail scientifique, mérite des éléments de contexte plus globaux que ce qui est permis dans le cadre d’un simple tweet », estime l’Inrae.
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