C’est un bouleversement dans le paysage national de la contraception. Longtemps réfractaires à la vasectomie, les hommes français adoptent en masse cette méthode de stérilisation définitive. En 2022, pas moins de 30 288 opérations ont ainsi été réalisées par des chirurgiens urologues afin de sectionner les canaux déférents qui conduisent les spermatozoïdes des testicules vers la prostate, interdisant donc leur arrivée dans la verge. En 2010, seuls 1 940 hommes y avaient eu recours.
Ces chiffres ont été rendus publics, lundi 12 février, par l’équipe Epi-Phare, dirigée par le professeur Mahmoud Zureik, qui exploite les données du système de santé pour étudier les comportements des Français. Alertés par les urologues, qui observaient une augmentation de la demande de vasectomies, notamment chez des hommes jeunes, les épidémiologistes ont voulu dresser un état des lieux de cette pratique « d’autant plus importante que, contrairement aux femmes, les hommes disposent de très peu de moyens de contraception », insiste la docteure Noémie Roland, qui a conduit l’étude. Un seul autre, en réalité : le préservatif. « Dans la répartition de la charge contraceptive, cela peut constituer un outil important », poursuit la responsable du programme « santé des femmes » à Epi-Phare.
L’ampleur du résultat a surpris la chercheuse. « Des évolutions aussi rapides sont peu fréquentes en épidémiologie », insiste-t-elle. En douze ans, l’incidence chez les hommes de 20 à 70 ans est ainsi passée de 9,8 vasectomies pour 100 000 habitants à 149,5. Evolution rapide et constante. Entre 2010 et 2022, le nombre d’interventions n’a cessé d’augmenter, à l’exception d’un plateau observé en 2020. Cette année-là, la pandémie de Covid-19 avait conduit au report de nombreux actes chirurgicaux non vitaux.
Dans le paysage mondial de la stérilisation masculine, la France a pourtant longtemps fait figure de mauvaise élève, loin derrière les pays anglo-saxons, l’Europe du Nord ou la Corée du Sud. Alors que la prévalence de la vasectomie semblait directement corrélée aux indicateurs d’égalité hommes-femmes, la France faisait exception. Sans doute l’effet d’une politique nataliste peu compatible avec un acte non réversible, avance Noémie Roland. Même si, en théorie, les canaux déférents peuvent être reconstitués, le retour à la normale reste aléatoire. Résultat, aucune campagne n’a jamais été réalisée par les autorités sanitaires. Les urologues eux-mêmes semblaient rétifs, particulièrement avec les hommes jeunes.
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