Ici, on l’appelle le poisson. Un poisson volant, alors. Ressemblant plus à une bombe à ailettes qu’à une ablette, c’est une drôle de bestiole qui flotte à 150 mètres au-dessus de nous, reliée au sol par un filin sur lequel, tous les 25 mètres, une oriflamme rouge claque sous les rafales. Bienvenue à la base des opérations d’Aire-sur-l’Adour (Landes) où le Centre national d’études spatiales (CNES) développe depuis soixante ans des ballons destinés à voler dans la haute atmosphère terrestre, entre 20 et 40 kilomètres d’altitude. En ce matin du mercredi 7 février, grand bleu mais petite bise insidieuse. « Le poisson permet de voir les vents, de se positionner sur le terrain et d’anticiper le comportement du ballon lors du lâcher », explique Laurent Tessariol, chef du centre d’Aire-sur-l’Adour installé sur 8 hectares au bord de l’aérodrome local.
C’est un BSO, un ballon stratosphérique ouvert, qu’on est en train de remplir d’hélium par un manchon. Faite de polyéthylène transparent (pour ne pas chauffer au soleil) de seulement 15 micromètres d’épaisseur, l’enveloppe prend peu à peu la forme d’une poire renversée. Le « O » de BSO fait référence au clapet installé au sommet du ballon, qui s’ouvre pour évacuer du gaz, que ce soit pour ralentir la montée ou amorcer la descente. La manœuvre est délicate car, en cas de vent, la bulle devient vite une voile, ce qui peut mettre en péril à la fois les personnes qui la maintiennent et celles qui s’occupent du chargement.
Car, comme pour la pointe d’un iceberg, le ballon ne constitue que la partie la plus visible de l’opération. Sous lui va s’envoler ce que les spécialistes appellent « la chaîne de vol », une succession de nacelles techniques contenant transpondeur radar, GPS, feu à éclats pour être vu des avions, ordinateur de bord, système de transmission, lest constitué de minuscules billes d’acier, ainsi que les instruments scientifiques, lesquels redescendent sous parachute quand la mission est terminée. Pour les plus gros BSO, qui peuvent atteindre 800 000 mètres cubes et emporter une tonne d’instruments, la combinaison ballon et chaîne de vol est plus grande que la tour Eiffel.
Des lâchers captifs
Ce 7 février, la chaîne de vol, encore posée au sol, ne fait qu’une centaine de mètres car il s’agit simplement de répéter des lâchers captifs (le ballon est retenu par un filin) en vue d’une campagne qui aura lieu en juin, à Kiruna (Suède). « On va s’entraîner à toute la chronologie de mise en œuvre, décrit Laurent Tessariol. On forme le pilote qui retient le ballon avec son véhicule tracteur. Le chef de lancement, lui, vérifie que tout est prêt, bien aligné par rapport au vent. Tous les opérateurs doivent être au bon niveau avant une campagne. »
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