Le parfum des pins, cette arme contre les charançons

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Les plantes parlent-elles ? Oui… mais à leur façon, répond la science, déjouant tout soupçon d’anthropomorphisme. On sait, depuis les années 1980, que toutes les espèces végétales produisent et émettent dans l’atmosphère des nuages de molécules, les composés organiques volatils (COV). Elles utilisent ces COV comme messagers chimiques, qui peuvent être captés et déchiffrés par d’autres plantes ou par des animaux. Plus de cinq mille d’entre eux sont connus à ce jour, tous formés d’atomes de carbone, d’oxygène et d’hydrogène, auxquels peuvent s’ajouter d’autres éléments comme le soufre. Leur odeur est souvent perceptible par notre nez humain, comme pour certains terpénoïdes (citral, menthol, camphre…), des composés aromatiques souvent introduits dans nos parfums.

Incapables de se mouvoir, fixées au sol par leurs racines, les plantes ont dû innover. C’est ainsi qu’elles ont évolué de façon à communiquer avec leurs congénères, leurs partenaires ou leurs ennemis. Grâce aux signaux aériens lancés par leurs feuilles, leurs fleurs ou parfois leurs racines, elles augmentent leurs chances de reproduction ou de défense contre leurs agresseurs. Par exemple, certains COV attirent les pollinisateurs qui favorisent la fécondation de leurs fleurs. D’autres avertissent les plantes voisines d’un risque d’attaque par des herbivores, des champignons ou des bactéries pathogènes. D’autres encore repoussent leurs assaillants, ou attirent les prédateurs de ces derniers. Enfin, il existe des COV qui aident les végétaux à s’adapter à des stress climatiques (vent, sécheresse, chaleur…).

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C’est un « monde invisible d’une grande complexité », résume Hélène Gautier, chercheuse à l’Inrae d’Avignon. « Si toutes les plantes produisent des cocktails de COV, ces mélanges diffèrent d’une espèce à l’autre », ajoute Louis-Valentin Méteignier, chercheur à l’Inrae de Montpellier. Le fruit d’une coévolution, en somme, entre chaque plante et les ravageurs ou les pollinisateurs qui lui sont propres.

« Il soufflait un air délicieux, humide, qu’embaumaient les exhalaisons des arbres… » Les arbres dont il est question, dans l’étude publiée le 13 septembre dans la revue Science, émettent des effluves aussi parfumés que ceux chers à Thomas Mann, dans La Montagne magique. Ce sont, en effet, des pins sylvestres.

Ces conifères, à l’âge adulte, forment de hauts fûts, mais ce sont leurs semis qu’une équipe finlandaise a étudiés. Les chercheurs ont déchiffré les alertes lancées par les racines de ces résineux dès qu’elles sont attaquées par un de leurs pires ravageurs, le grand charançon du pin (Hylobius abietis). Au printemps, les adultes de ce coléoptère pondent dans les grosses racines des pins, puis les larves pénètrent sous l’écorce. Une fois adulte, l’insecte peut anéantir une plantation en quelques jours en se gavant de l’écorce des jeunes plants.

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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