Le problème de mathématiques n ° 19 du « Scottish Book » résolu « par chance »

Share

Retrouvez tous les épisodes de la série « “Cold cases” scientifiques » ici.

Le titre ne paye pas de mine. A la mesure de la discrétion dont les mathématiciens semblent avoir fait un principe cardinal : « Une réponse négative au problème 19 d’Ulam, du Scottish Book ». Ni trompette ni tambour. Pas même le tintement d’un triangle susceptible d’avertir de la portée de ce qui va suivre. Et pourtant… Publié dans Annals of Mathematics, la plus prestigieuse revue de la discipline, en avril 2022, l’article de trente-cinq pages marque plus qu’une avancée majeure. « Une démonstration historique, au sens propre du terme », résume le mathématicien Etienne Ghys, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences et chroniqueur au Monde. Posé en 1935, ce problème à l’apparence anodine de solide flottant dans un liquide avait jusqu’ici résisté à tous les examens. Le cold case était même sorti du viseur de nombreux chercheurs. Il est désormais bel et bien résolu.

Le responsable de cet exploit se nomme Dmitry Ryabogin. Né en Russie il y a cinquante-quatre ans, émigré en Israël en 1991, il s’est installé aux Etats-Unis en 2000. Depuis 2007, il y enseigne la géométrie convexe et l’analyse harmonique à l’université d’Etat de Kent, dans l’Ohio. « J’avoue que je n’avais jamais entendu parler de lui », s’excuse Etienne Ghys. « Rien d’étonnant, explique l’intéressé. Je suis un petit mathématicien. Jamais je n’aurais dû résoudre un tel problème. Il a été posé par un génie, entouré d’autres génies. De grands esprits s’y étaient cassé les dents. Alors pourquoi moi ? Ne cherchez pas : c’est la chance ! Et ça, je peux facilement vous le démontrer. »

Commençons donc par les prémices. Nous sommes à la fin des années 1920, dans la ville alors polonaise de Lwow – aujourd’hui Lviv, en Ukraine. Une génération dorée de mathématiciens y a pris ses quartiers, les uns à l’université, les autres à l’école d’ingénieurs locale. Ils sont une douzaine, ont pour noms Stanislaw Mazur, Herman Auerbach, Mark Kac, Antoni Lomnicki, Antoni Zygmund… Au centre de cette petite communauté, deux figures rayonnent : le maître Hugo Steinhaus (1887-1972) et son premier disciple, Stefan Banach (1892-1945), sans doute un des plus brillants mathématiciens du XXe siècle, un pur autodidacte dont Hugo Steinhaus dira qu’il aura constitué « [s]a plus grande découverte en mathématiques ». A ces enseignants se sont joints quelques étudiants, dont l’un impressionne par sa précocité et son imagination : Stanislaw Ulam (1909-1984).

Naissance du « Scottish Book »

Il vous reste 77.74% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Source du contenu: www.lemonde.fr

Dernières nouvelles

Dernières nouvelles