A Oman, pays désertique de la péninsule Arabique dont l’essentiel des 4,5 millions d’habitants vit à proximité des côtes, la montée du niveau de la mer est une dure réalité. « Notre agriculture dépend des eaux souterraines et l’eau salée contamine nos terres cultivables, si bien que l’irrigation devient impossible », explique Rumaitha Al Busaidi. Dès la fin de ses études, cette océanographe a choisi de se retrousser les manches. « J’ai décidé d’agir et de participer au développement de systèmes associant la pisciculture à l’agriculture. Mon pays rencontre de gros problèmes de sécurité alimentaire, je ne pouvais pas me contenter d’un statut d’observatrice », raconte-t-elle. Son travail de terrain a abouti à un programme national de conversion d’une cinquantaine d’exploitations en fermes piscicoles en 2020. Une première victoire.
Mais la jeune femme n’a pas voulu en rester là. Se définissant elle-même comme une « activiste », elle a rejoint l’Environment Society of Oman, unique ONG du pays œuvrant dans le domaine de l’environnement. Agée de 37 ans, elle en est aujourd’hui la vice-présidente. Son objectif ? Déclencher une prise de conscience des habitants sur les transformations que la mer d’Arabie est en train de subir, afin que, par ricochet, la classe politique se mobilise. « Il y a urgence, dit-elle. Dans le nord d’Oman, la température moyenne est déjà supérieure de 1,7 °C à celle de la période préindustrielle et, en 2100, la mer aura monté de 1 mètre et largement érodé nos côtes. »
Comme Mme Al Busaidi, de nombreux chercheurs à travers le monde ne veulent plus rester les bras ballants. « Les scientifiques se joignent de plus en plus aux mouvements environnementaux. Producteurs de connaissances et personnalités influentes dans la société, ils sont particulièrement bien placés pour conduire le changement », constate la revue britannique Nature dans une analyse publiée en mai 2024 (« Scientists’ identities shape engagement with environmental activism »).
Pour les intéressés, il ne s’agit pas nécessairement d’une crise existentielle : « La perception d’une relation harmonieuse entre la science et le militantisme, le fait de considérer la gestion de l’environnement comme le devoir d’un scientifique et de croire que l’objectivité et l’impartialité ne sont pas compromises par le militantisme présentent des corrélations significatives avec l’engagement. » Fini le « publier ou périr », cette injonction adressée aux milieux académiques consistant à croire que seuls des articles signés dans des revues scientifiques donnent sens à la recherche. Face à l’inaction des décideurs politiques, beaucoup sortent de leurs laboratoires pour alerter le grand public sur les maux de notre planète, le climat, l’environnement, la pauvreté, la santé…
Il vous reste 76.26% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Source du contenu: www.lemonde.fr