Cinquante ans après son invention, un jeu mathématique continue de susciter l’intérêt et de nouveaux résultats. Un groupe de sept passionnés, dont une femme, a ainsi publié en décembre sa découverte de deux « créatures » manquantes dans le catalogue des habitants du Jeu de la vie. Imaginé par le mathématicien britannique John Conway (1937-2020) en 1970, ce « jeu » est une sorte de métaphore du vivant, malgré la simplicité de ses règles. Sur une grille, des formes apparaissent, disparaissent, se multiplient, se déplacent… Elles ne sont pourtant faites que de cases noires ou blanches. Le devenir d’une case, morte (les noires) ou vivante (les blanches), est déterminé à chaque génération ou étape par l’analyse de l’état de ses huit voisines. Une cellule morte, avec exactement trois voisines vivantes, devient vivante. Une cellule vivante survit si elle a deux ou trois voisines, sinon elle meurt. Ce que John Conway résumait en « naissance si trois voisins, survie si deux ou trois voisins ».
Par exemple, une case vivante seule meurt au tour suivant. Deux cases qui se touchent aussi. Trois, alignées, en revanche « s’animent » : si elles sont à l’horizontale, à l’étape suivante, le trait est vertical. Puis redevient horizontal. Cette configuration, appelée « clignotant », appartient à la famille des oscillateurs, un motif qui se répète après un nombre fixé de générations ou période (ici deux).
La question qui vient d’être tranchée est de savoir s’il est possible de construire des oscillateurs de n’importe quelle période. Le « bloc » est le plus simple des oscillateurs : un carré qui ne bouge pas (période 1) ! Le « pulsar », à 48 cellules, a été proposé par Conway lui-même et redevient le même toutes les trois générations. La « toupie », toutes les quatre générations… En 1996, David Buckingham trouve une méthode pour former des oscillateurs au-delà de 61. Puis, en 2013, Mike Playle fait de même pour 43. « C’est comme des hamsters qu’on ferait tourner dans une roue de plus en plus grande », décrit Tanner Jacobi, un des auteurs de l’article. Les formes obtenues par ce processus montrent en effet des « objets » semblant tourner sur un circuit.
Ingénierie, science et créativité
Jusqu’en 2021, il n’existait pas de configuration de périodes 19, 34, 38 et 41. Les défis 34 et 38 « tombent » finalement en 2022, dont le premier grâce à Mitchell Riley, le seul mathématicien professionnel du groupe d’auteurs de la dernière publication. L’année suivante, c’est au tour de 19 et 41.
Les deux découvreurs Mitchell Riley et Nico Brown ont alors demandé à d’autres amateurs qu’ils côtoyaient sur les forums consacrés à ce jeu de se joindre à eux pour publier dans un style académique, sous forme d’un preprint déposé sur arXiv, un article au titre très mathématique : « Le Jeu de la vie de Conway est omnipériodique. » Autrement dit, il est possible de trouver une configuration qui reviendra égale à elle-même au bout de n’importe quel temps. A ne pas confondre avec les « planeurs » ou autres « vaisseaux » qui reviennent eux aussi identiques mais en s’étant « déplacés » sur la grille.
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Source du contenu: www.lemonde.fr