Mort subite du nourrisson, les petits pas de la science

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C’est en revenant de chez le pédiatre que le drame est arrivé. Théophile était couché dans son cosy sur le siège passager, il dormait paisiblement près de Laure, sa maman, qui n’a pas souhaité donner son nom de famille. La visite chez le médecin s’était très bien passée. En arrivant chez ses beaux-parents, alors que son bébé dormait encore, Laure en a profité pour ranger quelques affaires. Puis elle a remarqué que Théophile était plus pâle que d’habitude. Quand elle l’a pris dans ses bras, il ne respirait plus. Théophile était mort, à 12 jours. C’était le 30 décembre 2019.

Se sont ensuivis des mois d’analyses et d’attente des résultats, qui, tous, se sont révélés négatifs. « On n’a rien trouvé. Aucune malformation, aucune infection qui ait pu causer sa mort. Mais ça a permis d’écarter beaucoup de facteurs de culpabilité », confie cette maman dont c’était le deuxième enfant. « Je pense que ça m’a un peu soulagée, mais de se dire qu’on n’aura pas d’explication, c’est quand même très difficile. »

Comme Théophile, chaque année, en France, de 250 à 350 bébés de moins de 1 an meurent de façon soudaine et inexpliquée, souvent lorsqu’ils sont endormis. On parle alors de mort inattendue. Après des analyses poussées, le décès peut être attribué à une infection, à une maladie cardiaque, métabolique ou génétique, ou encore à un traumatisme comme le syndrome du bébé secoué. Dans la moitié des cas environ, aucune cause directe n’est trouvée et on conclut à une mort subite du nourrisson.

Coucher le bébé sur le dos

A la fin des années 1980, ces chiffres étaient cependant bien plus élevés, avec près de 1 400 décès attribués annuellement à ce syndrome. Ce nombre a ensuite fortement diminué à la suite de campagnes de sensibilisation réalisées au milieu des années 1990, qui incitaient les parents à coucher leur bébé sur le dos. Les statistiques restent néanmoins préoccupantes : les chiffres de mort subite et de mort inattendue stagnent depuis plusieurs années. Encore aujourd’hui, la mort inattendue du nourrisson reste la première cause de mortalité en France chez les bébés de moins de 1 an. Et ce, dans un contexte où la mortalité infantile augmente dans le pays depuis une décennie.

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Ce qui cause ces morts soudaines chez certains nourrissons reste en grande partie une inconnue. Au milieu des années 1990, une hypothèse a émergé selon laquelle le fait de coucher le bébé sur le ventre ne serait pas la cause directe du décès. Ce serait plutôt un élément déclencheur révélant des fragilités intrinsèques chez l’enfant. Autrement dit, un bébé ne meurt pas directement du fait d’être couché sur le ventre, mais cette position de couchage inadaptée s’ajoute à d’autres facteurs de risque qui, conjugués, peuvent conduire à la mort. Cette hypothèse a été formulée par deux chercheurs américains dans une étude publiée en 1994 dans la revue scientifique Biology of the Neonate. Selon eux, il ne s’agirait donc pas d’une fatalité qui frapperait un nouveau-né de façon aléatoire, mais ce serait plutôt la résultante de la combinaison de trois paramètres. Depuis, la plupart des recherches sur la mort subite du nourrisson se concentrent sur cette piste, appelée « modèle du triple risque ».

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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