Pourquoi, dans la savane, les zèbres passent avant les gnous… qui devancent les gazelles

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Pour les amoureux des animaux, la grande migration du Serengeti tient du rêve. Chaque année, quelque 2 millions d’ongulés traversent l’immense parc national tanzanien de 24 000 kilomètres carrés. En avril, zèbres, gnous et gazelles de Thomson quittent la savane ouverte et fertile du sud de l’enclave et prennent lentement le chemin du nord, plus forestier. Ils y restent de juillet à septembre, puis regagnent au même rythme le sud, qu’ils atteignent en décembre. Un déplacement d’autant plus massif qu’il ne concerne non pas une mais trois espèces. Phénomène unique au monde, ce grand mouvement pendulaire a déterminé les frontières mêmes du parc. Et alimente ses ressources, car des centaines de milliers de visiteurs viennent assister au spectacle.

Depuis cinquante ans, zoologistes et écologues se passionnent pour une autre curiosité : l’ordre d’entrée en scène des trois principaux acteurs. Les zèbres d’abord, suivis de très près par les gnous, et enfin les gazelles. Toujours dans cet ordre. Certes, avec ses 230 kg, le zèbre est plus lourd que le gnou (180 kg) et écrase la frêle gazelle (20 kg). Mais l’argument ne semble pas peser lourd.

Trois théories se sont en revanche constamment affrontées depuis la première étude, historique, de Richard Bell, en 1971. L’une voudrait y voir le résultat d’une compétition pour les ressources. Une autre, au contraire, privilégie ce que Bell appelait la « facilitation », chaque espèce préparant le couvert pour la suivante. Enfin une troisième théorie voit comme force principale la prédation, ou plutôt la lutte contre les grands prédateurs : chaque espèce servirait tout à la fois de bouclier et de sentinelle aux autres. « Etrangement, il manquait une étude complète à différentes échelles pour essayer de trancher », indique l’Américain T. Michael Anderson, professeur de biologie à l’université Wake Forest, en Caroline du Nord. L’étude qu’il vient de coordonner, publiée dans la revue Science, apporte enfin la réponse.

Un modèle de facilitation

Pour cela, une équipe internationale a rassemblé huit années de données diverses. D’abord, des images de pièges photographiques installés dans une zone de transition, au milieu du parc. Ensuite, le suivi de colliers GPS posés sur des individus des trois espèces. Enfin, l’analyse détaillée de l’ADN retrouvé dans les excréments des ongulés, afin de décortiquer leur alimentation. Un corpus particulièrement volumineux qu’ils ont soumis aux données environnementales, les feux et les précipitations.

Premier enseignement : rien ne vient plaider en faveur de l’effet prédation. « Sinon, on devrait remarquer davantage d’associations entre espèces dans les zones plus forestières où l’on trouve davantage de prédateurs, or il n’en est rien », tranche Johan Pansu, maître de conférences en écologie à l’université de Lyon, qui a participé à l’étude pendant son postdoc à l’université de Princeton. En revanche, les deux autres forces agissent simultanément. Si les quelque 200 000 zèbres prennent ainsi soin de rester à l’avant, ou plutôt sur le côté du front de migration, c’est bien pour s’éloigner du 1,3 million de gnous. Du reste, les années de fortes pluies, quand les ressources sont abondantes, ils ne dédaignent pas la proximité. Les gnous, au contraire, suivent, car eux profitent de la première lame passée par les zèbres pour accéder à des herbes plus basses et plus riches.

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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