Partis de l’autre côté de l’Atlantique pour pouvoir vivre leurs rêves d’escrimeurs aux États-Unis, les deux cousins Tunisiens Farès et Ahmed Ferjani vivent une expérience unique dans le très sélectif milieu sportif universitaire Américain. Basé à New York, sur le campus de l’université de Saint John’s, les sabreurs de Tunis profitent pleinement de leur expérience, et accumulent les bons résultats en NCAA, en ayant les Jeux olympiques de Paris dans le viseur.
De notre correspondant à New York,
« Les voyages forment la jeunesse » , comme le disait si bien Montaigne, et l’exemple des deux cousins Tunisiens Farès et Ahmed Ferjani confirme parfaitement la célèbre citation du philosophe. Le grand voyage des deux escrimeurs démarre à Tunis. Farès (26 ans) et Ahmed Ferjani (23 ans) grandissent dans la capitale, où l’escrime est dans l’ADN familial.
« C’est LE Sport pratiqué par quasiment toute la famille, sourit Farès. Il y a une passion familiale pour ce sport ! On a voulu suivre l’exemple des anciens, et on est tombé dedans rapidement étant petits ». Les deux brillent en sabre dans les catégories de jeunes nationales, mais visent plus haut. Ils enchaînent les titres de champions d’Afrique en jeunes, en individuel et en équipe. Farès a disputé les Jeux olympiques de 2016 à Rio, et le jeune Ahmed s’inspire du parcours de l’aîné, qui se retrouve à la croisée des chemins en 2017.
Ils se serrent les coudes
Farès souhaite faire des études et se mettre dans le meilleur contexte possible pour exploiter son potentiel de sabreur, et reçoit des offres de bourses des États-Unis. À 18 ans, il décide de rejoindre New York et la fac de St. John’s. Le plus âgé du duo démarre son rêve américain depuis la Grosse Pomme, bien loin de sa terre d’origine, et vit un début d’aventure difficile.
« Quand je suis arrivé, je ne parlais pas un mot d’anglais », sourit Farès. J’ai choisi St. John’s car je voulais m’entraîner sous les ordres de la légende Ukrainienne, l’un des meilleurs coaches de l’histoire, Yuri Gelman. Mais ça a été très dur pour moi, surtout lors de la première année, j’ai dû m’adapter à un contexte et un climat différent. J’ai galéré, mais ça m’a servi à grandir ».
Arrivé en 2021, Ahmed profite de la présence de Farès pour s’acclimater plus rapidement au contexte américain, sur les conseils de son aîné, qui le prend sous son aile dès son arrivé sur le campus. « Je pouvais aller à Paris, car j’avais étudié au campus de Paris-Dauphine à Tunis, mais Farès et Yuri m’ont convaincu de venir ici », sourit-il. « Il y a eu quelques moments de doute, comme tout le monde le vit, mais je pense que l’expérience de Farès m’a été grandement bénéfique pour m’adapter plus vite à ma nouvelle vie », ajoute-t-il.
Les deux jeunes sabreurs se soutiennent et se serrent les coudes, et progressent comme jamais dans un contexte universitaire américain ultra structuré, où les athlètes s’entraînent comme des professionnels. « Ici, il y a tout! Un niveau incroyable, des infrastructures de top niveau, et des kinés, des encadrements qui te mettent dans les meilleures dispositions pour exploiter ton potentiel, souligne Ahmed, certains campus, comme celui de Notre Dame et Harvard par exemple, ont des meilleures infrastructures que celles que l’on voit dans les meilleurs centres d’entrainement en Europe ».
Objectif Paris 2024, et tenter de marcher sur les pas d’Inès Boubakri
De New York à Philadelphie, en passant par Chicago, Boston et Los Angeles, le duo Ferjani brille et accumule les kilomètres pour vivre leur passion, et profiter à fond de l’opportunité de pouvoir être des student athlete (ndlr : étudiant-athlète) malgré l’intense vie imposée à ceux-ci.
« C’est vrai que notre vie est intense, entre les cours, les voyages pour les tournois et on a un emploi du temps très chargé toute l’année, admet Ahmed, on n’a quasiment pas de temps pour soi, on est tout le temps concentré sur le fait de travailler. On s’entraîne deux fois par jour, on a une pression qui vient naturellement du cadre universitaire avec notre statut de sportif, donc des “privilégiés” car on n’a pas payé nos études (ndlr : une année à St. John’s coûte environ…32000 dollars). Il faut faire le travail, et être carré, tout le temps ».
Les deux Tunisiens ont également un élément supplémentaire dans leur vie d’athlète, avec les tournois à l’étranger, de qualifications pour les championnats d’Afrique, du monde, mais aussi, et surtout, pour les prochains Jeux olympiques de Paris. « J’ai déjà participé à deux J.O, en 2016 (25ème du tournoi en sabre) et 2020 (20ème), et c’est sûr que c’est quelque chose de très, très spécial, confirme Farès. Je sais que tout le monde parle de cela, et que l’on rêve d’y participer, encore plus car ce ne sera pas loin de chez nous, mais on a encore un long chemin pour y arriver, et surtout, on doit rester concentrer sur notre progression avant tout ».
Une place pour deux !
Les deux Tunisiens ont été performants aux derniers mondiaux à Alger, Farès à terminé sixième de sa catégorie, et Ahmed, 11ème, mais la situation actuelle pour viser une place pour Paris présente un sacré dilemme : avec seulement un ticket pour le reste du continent pour le sabre, seul l’un des deux Ferjani pourra se rendre en France pour tenter de marquer l’histoire. La décision se fera sur un total de points cumulés sur les tournois que les deux Africains disputeront dans les prochains mois.
« C’est vrai que c’est une situation particulière, car l’Égypte a déjà sécurisé trois tickets et que le reste du continent n’en aura qu’un seul, précise Farès, mais cela ne crée aucune tension parmi nous, car on se soutien, la famille avant tout ! Que ce soit lui ou moi, je serai heureux, et je sais que quoi qu’il arrive, on sera le premier supporter de l’autre, prêt à se motiver et se conseiller pour tenter de décrocher l’or, ce qui serait le rêve ».
La Tunisie au cœur, les Ferjani veulent rendre le peuple fier, à l’image d’un Ayoub Hafnaoui, aussi basé aux États-Unis, mais surtout essayer de marcher sur les pas d’Inès Boubakri, première Tunisienne de l’histoire à remporter une médaille olympique en escrime, le bronze, aux Jeux de Rio 2016. « C’est sûr que c’est une inspiration, et qu’elle a marqué l’histoire, précise Ahmed, mais on voit aussi au-delà de Paris car nous sommes encore jeunes. On vise Paris, mais on se projette aussi sur les Jeux de Los Angeles, en 2026, où l’on sera, si le travail continue ainsi, au maximum de notre potentiel ».
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